Taïsa Tadè-Klinkenbergh et Francesca Ranzanici Ciresa sont associées chez Klinkenbergh Legal, un cabinet d’avocats spécialisé en droit de la famille situé au cœur de Locarno, en Suisse. Fondé début 2023, le cabinet d’avocats accompagne et guide ses clients tout au long de leur démarche et favorise la prévention des litiges et les modes alternatifs de résolution. Rejoignez-nous pour découvrir les perspectives perspicaces des associés pionniers de Klinkenbergh Legal, alors qu’ils partagent leur approche unique du droit de la famille et leur dévouement à favoriser la prévention et la résolution des litiges autour de l’emplacement pittoresque de Locarno, en Suisse.
Comment le système juridique suisse aborde-t-il le concept de garde partagée et quels critères les parents doivent-ils remplir pour pouvoir bénéficier d’un tel arrangement ?
Depuis 2014, en cas de divorce, les parents conservent des droits et des responsabilités égaux pour élever et prendre soin de leurs enfants, ce que l’on appelle l’autorité parentale conjointe. Il est crucial de ne pas confondre ce principe avec la garde des enfants. La garde partagée n’est pas automatiquement accordée par un juge en cas de séparation ou de divorce ; chaque cas est évalué individuellement. Le juge détermine un régime de garde qui assure la stabilité de l’enfant et des contacts réguliers avec ses deux parents. Dans toute affaire concernant les enfants, le juge doit donner la priorité au bien-être de l’enfant. Le maintien d’une relation étroite avec les deux parents est vital pour le développement harmonieux de l’enfant, en soulignant l’importance de la capacité de l’enfant à entretenir de telles relations autant que possible.
En plus d’évaluer les capacités parentales des deux parents, le tribunal évaluera leur capacité à communiquer et à coopérer de manière cohérente concernant leurs enfants. Il est essentiel de noter que l’opposition d’un parent à la garde partagée n’implique pas automatiquement un manque de coopération nécessaire. La distance géographique entre les résidences des parents est également un facteur non négligeable. La préoccupation primordiale est d’assurer la croissance et le développement continus de l’enfant dans un environnement favorable et affectueux. De plus, la stabilité, notamment en ce qui concerne les conditions de vie antérieures de l’enfant, est de la plus haute importance. La garde conjointe devient encore plus adaptée si les parents partageaient les responsabilités en matière de soins avant leur séparation. D’autres facteurs pris en compte comprennent l’âge de l’enfant, les relations avec les (demi) frères et sœurs et l’intégration dans la communauté sociale au sens large. Tous ces éléments contribuent à déterminer le mode de garde le plus adapté au meilleur intérêt de l’enfant.
La garde partagée ne doit être écartée que si la relation entre les parents, concernant le bien-être de leurs autres enfants, est si hostile qu’elle laisse raisonnablement croire que la garde partagée soumettrait l’enfant à un conflit important entre les parents, ce qui est manifestement contraire. à l’intérêt supérieur de l’enfant.
Pourriez-vous expliquer le rôle des préférences de l’enfant dans les décisions en matière de garde ? À quel âge leurs opinions ont-elles généralement du poids devant les tribunaux ?
La volonté de l’enfant est l’un des nombreux critères à prendre en compte lors de la décision sur les contacts personnels et la garde. Lors de l’examen du testament de l’enfant, il faut tenir compte de son âge et de sa capacité à former un testament autonome. Cette capacité est supposée être présente à partir de 12 ans environ.
Conformément à l’article 314a, paragraphe 1, du Code civil, l’enfant doit être entendu personnellement et convenablement par le tribunal ou par un tiers désigné, à moins que son âge ou d’autres raisons valables n’en décident autrement. La participation de l’enfant à l’audience est ancrée dans ses droits fondamentaux et vise à établir les faits de l’affaire. Dans les situations impliquant des enfants plus âgés, l’accent est mis sur la protection de leurs droits individuels, en leur accordant le droit de participer à la procédure. Pour les jeunes enfants, l’audience sert avant tout de moyen de preuve, permettant au juge de se forger une perspective personnelle et de recueillir des informations complémentaires pour comprendre avec précision la situation. Par conséquent, les parents, en tant que parties impliquées dans la procédure, peuvent demander l’audition de l’enfant, mais cela se produit généralement automatiquement, quels que soient les arguments des parties.
La capacité de discernement de l’enfant, telle que définie à l’article 16 du Code civil, n’est pas une condition préalable à l’audition. Selon les lignes directrices de la Cour fédérale, un enfant peut être entendu dès l’âge de six ans. Cette condition d’âge ne tient pas compte du fait que l’on pense généralement que la pensée logique formelle se développe entre onze et treize ans et que la capacité de différenciation et d’abstraction verbale mûrit généralement à cette époque. Avant cet âge, l’audition de l’enfant a avant tout pour objectif de permettre au juge de se forger une opinion personnelle et d’acquérir une compréhension globale de la situation de l’enfant, l’aidant ainsi à établir les faits et à prendre des décisions. Le choix de la personne autorisée à présider l’audition de l’enfant est généralement à la discrétion du juge. Cependant, cela contredit la logique juridique de déléguer systématiquement cette responsabilité à un tiers, car il est essentiel que le tribunal se forge sa propre opinion directe. C’est donc généralement le tribunal compétent qui procède lui-même à l’audience. Dans des circonstances exceptionnelles, un spécialiste de l’enfance tel qu’un pédopsychiatre (notamment lors d’expertises) ou un membre du personnel d’un service de protection de la jeunesse peut conduire l’audience. Ces circonstances impliquent des cas particulièrement sensibles où des compétences spécialisées sont nécessaires pour éviter de nuire à la santé de l’enfant, comme en cas de suspicion de relations familiales pathogènes, de conflits familiaux aigus, de troubles visibles chez l’enfant ou de considérations liées à l’âge de l’enfant.
Si le juge est amené à intervenir plusieurs fois au sein d’un même conflit familial, ou si la décision initiale fait l’objet d’un appel, l’enfant n’est pas nécessairement tenu d’être entendu à chaque fois. De plus, si l’enfant a déjà été entendu par un tiers, souvent dans le cadre d’une expertise, le juge peut choisir de renoncer à une nouvelle audition si cela imposerait une charge insupportable à l’enfant, comme dans les cas de conflits de loyauté aigus. . Dans de telles situations, si aucun résultat nouveau ne peut être attendu d’une nouvelle audience, ou si les avantages attendus ne dépassent pas raisonnablement le fardeau de la nouvelle audience, le juge peut s’appuyer sur les résultats de l’audience précédente menée par le tiers. Ceci est conditionné à ce que le tiers soit un professionnel indépendant et qualifié, à ce que l’enfant soit interrogé sur les éléments cruciaux pertinents de l’affaire et à ce que l’audience ou ses résultats soient à jour. Il est crucial de souligner que toute décision de renoncer à une nouvelle audience présuppose que l’enfant ait eu la possibilité d’exprimer son point de vue et que les résultats de l’audience précédente restent pertinents pour le processus décisionnel.
Parmi les « motifs valables » pour renoncer à l’audition de l’enfant au sens de l’article 314a, paragraphe 1 du Code civil, est pris en compte le risque de mettre en danger le bien-être physique ou psychologique de l’enfant. Il est important de noter que la simple appréhension d’imposer le stress d’une audience à l’enfant ne constitue pas un motif suffisant pour justifier une renonciation. Pour justifier le non-lieu de l’audience, cette crainte doit être fondée et le risque doit dépasser la tension inhérente à toute procédure impliquant les intérêts des enfants.
Y a-t-il eu une évolution juridique récente dans le droit suisse de la famille en matière de garde des enfants ?
Le 25 septembre 2023, la Chambre du peuple a largement soutenu une motion proposant la garde alternée comme disposition par défaut en cas de séparation parentale. En cas de divorce des parents en Suisse, la garde alternée des enfants pourrait devenir la pratique courante, suite à l’acceptation d’une motion de Marco Romano par 112 voix pour et 42 contre à l’Assemblée nationale. La motion demande des modifications au Code civil pour faciliter ce changement.
Le Conseil fédéral a toutefois exprimé des réserves sur la garde alternée, invoquant des défis non seulement en termes d’interactions parentales, mais également liés à des facteurs pratiques, tels que la distance entre les résidences des parents et l’augmentation des coûts qui en résulte. En outre, il existe des préoccupations structurelles, telles que le marché du travail et la disponibilité de services de garde d’enfants hors du foyer familial, qui ne sont pas toujours faciles à concilier. Le Conseil fédéral a souligné l’importance de privilégier des solutions individualisées permettant à l’enfant d’entretenir des relations avec ses deux parents, en privilégiant l’intérêt supérieur de l’enfant, plutôt que d’imposer une garde alternée. La décision appartient désormais au Conseil des Etats.
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