Auteur : Marc Vandecasteele (LegalNews)
Le 17 septembre 2024, la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée dans une affaire concernant une transfusion sanguine à un témoin de Jéhovah, malgré la déclaration expresse selon laquelle cela ne devrait en aucun cas se produire.
« La requérante réclame 45 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’elle estime avoir subi en raison de l’hystérectomie pratiquée sur elle sans son consentement et des transfusions sanguines qui lui ont été administrées contrairement à sa volonté et à ses convictions religieuses profondes. Elle estime que ces actes constituent des violations flagrantes de ses droits garantis par la Convention, contraires à sa dignité, à son autodétermination et à sa conscience religieuse, et qu’elle en a éprouvé un profond sentiment d’humiliation. Le Gouvernement s’oppose à la référence faite par la requérante dans ce contexte à l’hystérectomie, arguant qu’elle n’a en fait pas contesté ce point au cours de la procédure interne et que sa position dans cette procédure était que les interventions chirurgicales pratiquées sur elle étaient d’une importance moindre que le fait que les médecins aient été autorisés à lui sauver la vie. Compte tenu des circonstances, le Gouvernement estime que, dans l’hypothèse où la Cour constaterait une violation, cela constituerait en soi une réparation suffisante pour tout préjudice moral subi par la requérante. Ils ont en outre fait valoir que sans les interventions médicales qui avaient été pratiquées, la requérante serait certainement décédée et qu’aucune demande n’aurait pu être présentée à la Cour. Le fait que sa vie ait été sauvée devrait être considéré comme suffisant pour compenser tout manquement au respect de ses droits.
La Cour rappelle que l’octroi de sommes d’argent aux requérants à titre de satisfaction équitable ne fait pas partie de ses fonctions principales mais est accessoire à la tâche qui lui incombe en vertu de l’article 19 de la Convention, à savoir veiller au respect par les États de leurs obligations en vertu de la Convention (voir Nagmetov c. Russie). [GC]no 35589/08, § 64, 30 mars 2017). La Cour jouit d’un certain pouvoir discrétionnaire dans l’exercice de ce pouvoir, comme l’attestent l’adjectif « juste » et l’expression « si nécessaire » (voir Yüksel Yalçınkaya c. Turquie). [GC]n° 15669/20, § 422, 26 septembre 2023 ; et Molla Sali c. Grèce (satisfaction équitable) [GC]no 20452/14, § 32, 18 juin 2020, avec d’autres références). Selon les circonstances, la Cour peut également considérer qu’un constat de violation constitue une satisfaction équitable suffisante et rejeter ainsi les demandes connexes (voir Nagmetov, précité, § 70, et les affaires qui y sont citées). Le principe directeur de la Cour en matière de satisfaction équitable pour préjudice moral est l’équité, qui implique une souplesse et un examen objectif de ce qui est juste, équitable et raisonnable dans toutes les circonstances de l’affaire, y compris non seulement la situation du requérant mais le contexte général dans lequel la violation s’est produite (voir Yüksel Yalçınkaya, précité, § 423 ; Varnava et autres c. Turquie). [GC]nos 16064/90 et 8 autres, § 224, CEDH 2009 ; Al-Jedda c. Royaume-Uni [GC]n° 27021/08, § 114, CEDH 2011 ; et Nagmetov, précité, § 73).
La Cour précise que sa constatation de violation concernant la plainte de la requérante repose sur son appréciation selon laquelle le processus décisionnel suivi dans son cas n’a pas suffisamment respecté son autonomie. Comme il ressort de ses observations à l’appui de sa demande de satisfaction équitable, ce qui s’est passé dans cette affaire a causé une souffrance considérable à la requérante. La Cour estime donc qu’il convient d’accorder une indemnisation pour préjudice moral.
« À la lumière de ce qui précède, statuant en équité, la Cour accorde au requérant 12 000 EUR pour préjudice moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt. »
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