Auteur : De Broeck, Van Laere & Associés
Pour les déclarations fiscales qui seront prochainement déposées (année fiscale 2024), il faudra pour la première fois prendre en compte la nouvelle obligation pour les locataires d’ajouter une annexe à la déclaration fiscale s’ils souhaitent déduire les loyers professionnels au titre des dépenses professionnelles. L’une des inquiétudes est de savoir si une « double sanction » est possible : refus de la déduction pour le locataire et régime fiscal plus défavorable pour le propriétaire. Une circulaire et une réponse du ministre apportent des éclaircissements. Le formulaire est désormais également publié.
Lorsqu’on impose les revenus immobiliers des particuliers, il existe une différence importante selon l’usage que le locataire fait du bien. Si le locataire utilise l’immeuble loué pour exercer son activité professionnelle, le propriétaire est imposé sur les revenus locatifs réels. Mais si le locataire utilise le bien à titre purement privé, le propriétaire s’en sort avec un impôt sur le revenu cadastral majoré de 40% (article 7, §1, 2°, a) versus c) WIB 1992).
Le propriétaire sera-t-il confronté à de mauvaises surprises ?
Afin de mieux prendre en compte cette distinction, le législateur a eu l’année dernière l’idée d’une nouvelle annexe à la déclaration d’impôt. Les locataires qui souhaitent déduire les dépenses liées au bien qu’ils louent doivent remplir un formulaire et le joindre à leur déclaration de revenus. Sans saisie-arrêt, aucune déduction de loyer n’est possible (voir notre article « Le locataire doit fournir des informations sur le loyer et le propriétaire dans la déclaration d’impôts »).
Une préoccupation majeure était que le propriétaire puisse être confronté à des surprises désagréables. Si le locataire utilise le bien immobilier de manière professionnelle, contre les accords et donc dans le dos du propriétaire, celui-ci se verra confronté de manière inattendue et involontaire à une facture fiscale plus élevée. Une telle situation peut survenir plus rapidement qu’on ne le pense. Avec un locataire qui loue un logement et y habite réellement, il ne semble y avoir aucun problème. Mais il se peut que le locataire travaille à domicile et engage des frais pour un « bureau à domicile », ou commence un travail secondaire et aménage la chambre d’amis en studio ou en bureau, avec des déductions de frais associées. Sur le papier, cette utilisation « professionnelle » signifierait que le propriétaire est imposé sur ses revenus locatifs effectifs et non sur la base forfaitaire habituellement plus avantageuse du revenu cadastral majoré de 40 %.
Contrat enregistré de location d’habitation gratuit : pas de déduction
Mais le législateur a voulu tenir compte de la situation décrite. Cela a été réalisé en introduisant une exception pour les contrats de location enregistrés à titre gratuit sur le fondement de l’article 161, 12°, a) ou b) du Code des droits d’enregistrement. Cela signifie que le bâtiment a une fonction résidentielle. Les déductions locatives ne sont plus possibles pour ces propriétés dans le cadre du nouveau régime. Le locataire du logement ne peut donc en principe prétendre aux frais d’un bureau à domicile ou d’un studio comme dépenses professionnelles (même si certaines pièces du logement sont effectivement utilisées à titre professionnel).
Mais reste la question de savoir si une « double sanction » est possible : refus de la déduction pour le locataire et majoration de l’impôt (sur les revenus locatifs réels) pour le propriétaire. En effet, la nouvelle interdiction légale de déduction ne modifie pas la situation réelle et n’exclut donc pas en théorie la prise en compte de cette situation de fait lors de la détermination de la situation fiscale du bailleur.
Pas de « double sanction »
Il n’y a toutefois pas de double sanction. Il est important que le refus de la déduction des frais soit assimilé à une utilisation non professionnelle. L’utilisation réelle n’est donc plus prise en compte. Le propriétaire est ainsi « protégé » contre les conséquences fiscales inattendues.
Le ministre le souligne en réponse à une récente question parlementaire : « Si les loyers et avantages locatifs ne peuvent pas être considérés comme de véritables dépenses professionnelles sur la base de l’interdiction de déduction, on peut supposer pour la détermination des revenus immobiliers que le locataire ne posséder les biens immobiliers pour lesquels il exerce son activité professionnelle ». Ce principe est également confirmé dans la circulaire qui vient d’être publiée concernant la mesure. Le propriétaire peut donc être tranquille dans une telle situation. Il est en effet « protégé » dans le cas où il a conclu de bonne foi un contrat de location pour une occupation par le locataire et n’a jamais eu l’intention que le locataire fasse un usage professionnel du bien, a ajouté le ministre.
Aussi pour les propriétés étrangères
La bonne nouvelle pour le propriétaire est que les mêmes règles s’appliquent aux biens immobiliers à l’étranger. Cela ressort clairement de la circulaire. Il suffit alors que les contrats de location aient pu être enregistrés gratuitement si les biens immobiliers étaient situés en Belgique. Il s’agit de biens immobiliers exclusivement destinés à l’habitation d’une famille ou d’une seule personne. Dans une telle situation, la déduction des loyers est également interdite et le propriétaire ne risque pas une dégradation de sa situation fiscale.
La circulaire note que cette règle « désamorce » également la situation d’une résidence secondaire proche du travail (du moins du point de vue du propriétaire). Il arrive que quelqu’un habite loin de son travail et loue donc un studio ou un appartement à proximité de son travail afin d’y dormir la semaine et ainsi éviter un long trajet pour se rendre au travail. Dans ce cas, le loyer a un caractère professionnel et le locataire peut donc réclamer le loyer payé au titre des dépenses professionnelles. Normalement, le propriétaire serait alors imposé sur le loyer réel. Mais l’enregistrement gratuit du contrat de location met également un terme à cette situation dans ce cas.
Exception à l’exception
Il y a une exception. La déduction est autorisée si le logement est loué par une entreprise dans le seul but d’héberger un ou plusieurs salariés ou dirigeants d’entreprise, en vertu d’une obligation légale ou contractuelle. Un exemple clair est celui d’une maison de gardien. Ou encore le cas d’un salarié étranger qui se voit offrir un logement par l’employeur lors de son séjour temporaire en Belgique. Dans ces situations, la déduction reste intacte, mais – le revers de la médaille – le propriétaire est imposé (défavorablement) sur les revenus locatifs réels.
La condition pour tout cela est que le contrat de location soit enregistré gratuitement. Ceci est par exemple impossible pour un bâtiment à usage « mixte » (en partie à usage d’habitation, en partie à usage professionnel). Mais la circulaire note que même dans cette situation, il existe une issue. Il est possible de diviser le contrat de location et de recourir à l’inscription gratuite pour la partie relative à la location privée.
Pour la circulaire : https://www.minfin.fgov.be/myminfin-web/pages/public/fisconet/document/0b74a8b0-000f-4f9f-b429-0c149c8a2057
Pour le formulaire à joindre à la déclaration : https://financien.belgium.be/sites/default/files/downloads/155-270mlh-2024-nl.pdf
Pour la réponse du ministre : https://www.dekamer.be/doc/CCRI/pdf/55/ic1330.pdf (p. 7, Question orale du 24 avril 2024 de Volksvert. De Roover)
Source : De Broeck, Van Laere & Associés