Pour les pays cherchant à maintenir une mesure crédible de dissuasion conventionnelle, la guerre entre la Russie et l’Ukraine a mis en évidence l’importance de contrôler la chaîne d’approvisionnement en munitions depuis le niveau de la conception jusqu’à la production. Alors que l’épuisement des stocks de munitions devenait problématique, l’Ukraine a dû attendre les approbations pour simplement obtenir la technologie nécessaire dont elle avait besoin pour résister à la Russie, par exemple des missiles sol-air (SAM) ou des armes à distance (SOW), des obus d’artillerie, des fusées, etc.
L’intérêt croissant du Pakistan pour le développement de ses propres SAM et même de ses missiles air-air (AAM) reflète peut-être cette réalité émergente : en temps de guerre, on ne peut tenir pour acquis aucun fournisseur extérieur. Ainsi, il faut maintenir une solide capacité de développement et de production de munitions non seulement pour poursuivre l’effort de guerre, mais aussi potentiellement pour établir un certain niveau crédible de dissuasion conventionnelle. Comment pourrait-on dissuader un ennemi d’attaquer s’il fait de l’épuisement des stocks limités de munitions de son adversaire un objectif stratégique ?
Il faut reconnaître que le Pakistan s’est approprié cette question il y a longtemps, notamment grâce à ses investissements massifs dans la production en masse de munitions pour armes légères, d’obus de char et d’artillerie et de roquettes non guidées. Mais aujourd’hui, le pays s’oriente vers la fabrication locale de munitions guidées à grande échelle, à la fois pour ses besoins nationaux et, potentiellement, pour l’exportation. Des projets tels que le missile de croisière antinavire Harbah NG (ASCM) et le missile de croisière à lancement aérien Taimur (ALCM) sont à l’avant-plan de cet effort.
Cependant, proposer un portefeuille de modèles n’est qu’une partie de l’équation. Les difficultés de l’Ukraine mettent en lumière la nécessité de disposer d’une capacité de production de munitions fiable, c’est-à-dire de produire des missiles guidés à grande échelle en temps de paix comme en temps de guerre. Le calcul traditionnel du Pakistan prévoyait une guerre conventionnelle avec l’Inde pendant plusieurs semaines, après quoi elle serait soit résolue à la table, soit, si nécessaire, dégénérée en un échange nucléaire (c’est-à-dire, destruction mutuelle assurée ou MAD).
Mais ce calcul était basé sur l’expérience du Pakistan jusqu’alors. La nature de la guerre conventionnelle est également susceptible de changer, notamment à mesure que de nouvelles technologies entrent en jeu et/ou que les doctrines évoluent. Par exemple, l’Inde a formulé une stratégie (« Cold Start ») consistant à utiliser des moyens terrestres et aériens rapidement mobilisables pour pénétrer, capturer et conserver rapidement le territoire pakistanais. Le Pakistan avait insisté sur le recours à l’arme nucléaire si l’Inde franchissait un certain seuil, par exemple en érodant ses capacités conventionnelles.
Avec le « Cold Start », l’Inde a envisagé l’idée d’utiliser ses forces conventionnelles pour frapper rapidement le Pakistan et rendre ses menaces nucléaires sans objet. Mais en réponse, le Pakistan a formulé l’idée d’utiliser des « armes nucléaires tactiques » (TNW). Si l’Inde parvenait à recourir au « démarrage à froid », le Pakistan utiliserait des armes nucléaires contre ces formations indiennes spécifiques, utilisant ainsi la puissance destructrice des ogives nucléaires d’une manière plus ciblée qui ne peut (théoriquement) justifier une réponse nucléaire indienne contre les villes. En d’autres termes, le Pakistan a déclaré qu’il utiliserait certaines armes nucléaires de manière « non stratégique », comme s’il s’agissait d’armes conventionnelles.
Ainsi, la façon dont les pays perçoivent le conflit peut changer en fonction de certaines circonstances, telles que la doctrine, les objectifs ennemis et la technologie, pour n’en citer que quelques-unes. Ces changements peuvent modifier la façon dont le Pakistan perçoit la guerre conventionnelle à l’avenir ; par exemple, des stocks « suffisants » de munitions guidées pourraient-ils « neutraliser » la menace indienne ? Si l’on dispose de stocks suffisants de missiles de croisière, de bombes guidées, de roquettes guidées, de drones et d’autres moyens, existe-t-il une possibilité de frapper suffisamment d’installations militaires, de centrales électriques, de raffineries, de centres logistiques, etc., pour mettre fin à une guerre ?
L’Inde se posera certainement la même question puisque, bien avant le Pakistan, elle cherchait à concevoir et produire ses propres gammes de SAM, AAM et autres munitions guidées. En d’autres termes, une future guerre conventionnelle pourrait consister moins à capturer des territoires qu’à courir pour paralyser la stature guerrière de l’adversaire. Dans l’ensemble, cette situation nécessiterait des stocks de munitions préexistants suffisants et une capacité de réapprovisionnement rapide.
Ainsi, intensifier et produire en grand nombre est une priorité pour le Pakistan, mais en tant que pays doté de capacités industrielles relativement limitées, cela constituera un objectif ambitieux…
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