Les perturbations du métabolisme lipidique entraînent une inflammation chronique, provoquant la progression du cancer colorectal.
Des recherches récentes mettent en évidence le rôle important du métabolisme lipidique dans la progression du cancer colorectal, fournissant de nouvelles informations sur la manière dont l’inflammation chronique peut contribuer à la croissance tumorale et identifiant des pistes thérapeutiques potentielles. Les lipides, au-delà de leurs fonctions traditionnelles de stockage d’énergie et d’intégrité structurelle, participent activement aux voies de signalisation cellulaire. Leur rôle dans l’inflammation est particulièrement important, car des déséquilibres dans les médiateurs lipidiques peuvent provoquer des états inflammatoires chroniques, un facteur connu de progression du cancer colorectal.
Dans les tissus sains, l’inflammation disparaît généralement grâce à un processus régulé appelé changement de classe de médiateurs lipidiques. Ce processus implique une transition de molécules lipidiques pro-inflammatoires vers des molécules lipidiques résolvant l’inflammation, telles que les lipoxines et les résolvines. Cependant, dans le cas du cancer colorectal, cela est perturbé. Les médiateurs pro-inflammatoires, notamment les leucotriènes créés à partir de l’acide arachidonique, sont surproduits, tandis que les médiateurs résolvant l’inflammation sont presque inexistants. Ce déséquilibre crée un microenvironnement propice à la croissance tumorale et à l’évasion immunitaire.
Une étude récente publiée dans Gut a intégré la lipidomique à la transcriptomique moléculaire et spatiale avancée pour explorer ce phénomène. Les chercheurs ont analysé des échantillons de tumeurs et de tissus normaux provenant de patients atteints d’un cancer colorectal, en se concentrant sur les profils lipidiques spécifiques et l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme des lipides. À l’aide de techniques avancées telles que la spectrométrie de masse en tandem par chromatographie liquide, ils ont quantifié les médiateurs lipidiques et cartographié l’expression spatiale des enzymes associées dans les tissus tumoraux.
Les résultats ont révélé une quantité importante de médiateurs lipidiques pro-inflammatoires dans les tissus cancéreux. L’arachidonate 5-lipoxygénase (ALOX5), une enzyme responsable de la production de leucotriènes, était fortement exprimée dans les macrophages associés aux tumeurs (TAM). Ces cellules immunitaires, souvent recrutées dans les sites tumoraux, ont été identifiées comme des contributeurs clés au profil lipidique inflammatoire. L’équipe a également observé une réduction de l’expression d’enzymes impliquées dans la synthèse de médiateurs de résolution, comme l’arachidonate 15-lipoxygénase (ALOX15).
Les facteurs alimentaires jouent également un rôle dans la détermination du métabolisme des lipides. L’étude a mis en évidence l’impact des régimes alimentaires occidentaux, riches en acides gras oméga-6. Ces graisses sont des précurseurs de lipides pro-inflammatoires et ont été associées à la production élevée de molécules comme les leucotriènes. Dans le même temps, les acides gras oméga-3, présents dans des aliments comme le poisson et les graines de lin, sont des précurseurs des médiateurs de résolution. Le déséquilibre entre ces graisses alimentaires pourrait contribuer aux perturbations métaboliques observées dans le cancer colorectal.
La transcriptomique spatiale a fourni des informations supplémentaires en montrant la colocalisation d’enzymes pro-inflammatoires et de médiateurs lipidiques avec des cellules immunitaires et stromales dans le microenvironnement tumoral. Cela suggère que l’état inflammatoire n’est pas simplement un sous-produit de l’activité tumorale mais fait partie intégrante de la progression tumorale.
Les stratégies thérapeutiques ciblant ces voies sont prometteuses. Une approche potentielle implique l’utilisation de médiateurs spécialisés en faveur de la résolution (SPM) tels que les résolvines et les protectrices. Ces molécules, dérivées des acides gras oméga-3, peuvent aider à rétablir l’équilibre entre les médiateurs pro-inflammatoires et résolvants. En favorisant la résolution de l’inflammation, les SPM pourraient réduire l’état inflammatoire chronique qui favorise la croissance tumorale.
Une autre piste est la modulation des enzymes métabolisant les lipides. L’inhibition d’ALOX5 ou l’amélioration de l’activité d’ALOX15 pourrait déplacer le profil du médiateur lipidique vers la résolution, perturbant potentiellement l’environnement favorisant la tumeur.
En fin de compte, l’intégration de la lipidomique avec des techniques moléculaires avancées constitue un outil puissant pour comprendre le rôle du métabolisme lipidique dans le cancer colorectal. En identifiant les mécanismes spécifiques qui entretiennent l’inflammation chronique, les chercheurs peuvent développer des interventions ciblées pour perturber ces voies, offrant ainsi une voie potentielle pour améliorer les résultats du cancer colorectal.
Sources :
Les déséquilibres lipidiques sont la clé de l’inflammation chronique dans le cancer du côlon
L’intégration de la lipidomique avec une transcriptomique ciblée, unicellulaire et spatiale définit un état pro-inflammatoire non résolu dans le cancer du côlon