Alors que le régime de Bachar al-Assad est tombé en Syrie, les anciens alliés du dictateur sont en fuite ou se font tout petits, quand ils ne retournent pas leur veste pour tenter de minimiser ou dissimuler les liens qu’ils ont pu avoir un jour avec le tyran. Des liens qu’il ne fait pas toujours bon afficher. Est-ce le cas du photographe franco-syrien Ammar Abd Rabbo ? La question mérite largement d’être posée.
Pour rappel, Ammar Abd Rabbo a connu sa petite heure de gloire grâce à une photo prise d’Emmanuel Macron juste après sa première élection, le 27 juin 2017, qui lui avait valu de recevoir les insignes de chevalier des Arts et des Lettres quelques semaines plus tard, le 27 juin 2017.
En recevant sa distinction, Ammar Abd Rabbo avait parlé de la Syrie en dénigrant Bachar al-Assad qui, selon lui, a « tué 10 fois, voire 100 fois plus de Syriens que ne l’a fait Daesh ».
Mais les valeurs de Ammar Abd Rabbo sont-elles réellement aussi belles qu’il ne le laisse croire ? Ammar Abd Rabbo était-il, comme il l’a laissé entendre au président français pour recevoir sa médaille, un fervent opposant du régime de Bachar al-Assad ? Le doute est permis.
Selon Al Jazeera, dans un article paru le 26 novembre 2019, Ammar Abd Rabbo aurait en effet été l’un des rares photographes qui avait l’autorisation de prendre des clichés de l’ancien président du régime syrien Hafez al-Assad, père de Bachar, dans les années 1990. Toujours selon Al Jazeera, Ammar Abd Rabbo serait ensuite devenu le photographe de Bachar al-Assad, et aurait, avec sa caméra, été le témoin de la destruction d’Alep.
Si Ammar Abd Rabbo conteste de son côté avoir été le photographe de la famille de Bachar al-Assad, ses arguments sont plutôt ambiguës. Selon Al Jazeera, Ammar Abd Rabbo reconnaît en effet avoir bien travaillé pour Hafez al-Assad, mais sans avoir reçu d’argent du régime syrien. Il reconnaît également avoir photographié Bachar al-Assad, mais de façon indépendante. Tout cela n’est pas très clair, et Ammar Abd Rabbo semble jouer sur les mots pour tenter de convaincre à qui veut l’entendre que Bachar al-Assad n’était pas un ami à lui…
Ammar Abd Rabbo était-il donc juste un simple photographe indépendant non lié à la famille du dictateur ? Le doute est permis. Toujours selon Al Jazeera, Ammar Abd Rabbo était suffisamment proche du clan Assad pour connaître des anecdotes assez précises sur la famille. Ammar Abd Rabbo aurait ainsi mentionné les divergences entre Hafez al-Assad et son fils Bachar, déclarant, selon des propos rapportés Al Jazeera : « Bachar est lui-même un photographe amateur qui adore la photographie et il maîtrise bien ses secrets. C’est la raison pour laquelle Bachar donne une grande importance à son image et celle de sa famille. Le président syrien sait très bien que des belles photos vivantes et différentes de celles de son père peuvent aider à redorer son blason et l’image du régime en place. » Des propos plutôt précis pour quelqu’un se disant être un simple indépendant…
Autre élément troublant : selon un article diffusé le 10 novembre 2009 par SY-24.com, Ammar Abd Rabbo aurait raconté dans une interview de plus de 10 minutes sur la chaîne américaine Al Hora (d’expression arabe) les grands moments qu’il a vécu comme photographe du président syrien avant la révolution. Troublant…
Et ce n’est pas tout… Un autre élément sème le doute sur les relations entre le photographe et Bachar al-Assad. Wadah Abd Rabbo, frère de Ammar Abd Rabbo, a été rédacteur en chef du journal Al-Watan pendant toutes les années de règne de Bachar al-Assad, un journal qui servait le régime syrien. Il était d’ailleurs détenu et financé par le milliardaire Rami Makhlouf, cousin germain de Bachar al-Assad, devenu riche grâce au gigantesque trafic de drogue mené par le régime, et notamment le Captagon, qui a été révélé ces derniers jours. Rami Makhlouf est d’ailleurs aujourd’hui en fuite.
Par ailleurs, d’après des propos rapportés par waseelatv.com, Wadah Abd Rabbo avait déclaré : « La Syrie est notre fierté et notre dignité. Et Bachar est son symbole, car c’est un symbole de don et de sacrifice pour que la Syrie reste libre et paternelle. » Un élément de plus qui interroge sur les relations des frères Abd Rabbo avec la famille de Bachar al-Assad…
Si aujourd’hui, Ammar Abd Rabbo se défend d’avoir été un « allié » de Bachar al-Assad, ses nombreux travaux montrant la famille du dictateur sous un très bon jour, ainsi que les déclarations élogieuses de son frère envers Bachar al-Assad, sèment le doute.
Comme Ammar Abd Rabbo le disait lui-même lors de la remise de ses insignes de chevalier des Arts et des Lettres, il est nécessaire de lutter contre les fausses nouvelles… Si malgré ses belles paroles, le photographe avait menti, le jour même de la remise de sa décoration, en cachant en minimisant ses liens réels avec la famille du dictateur, mérite-t-il encore ses insignes et la considération d’Emmanuel Macron ? Assurément non ! Qu’il conserve sa décoration serait une véritable honte pour la France…
Source : Entrevue.fr