Le 11 mars 2024, l’Organisation indienne de recherche et de développement pour la défense (DRDO) a testé le premier missile MIRV (véhicule de rentrée à ciblage multiple indépendant) du pays à l’aide de son missile balistique intercontinental (ICBM) Agni-V. Le test portait le nom de code « Mission Divyastra » et a été réalisé depuis l’île du Dr Abdul Kalam, à Odisha, tandis que stations de télémétrie et radar suivi et surveillé plusieurs véhicules de rentrée.
Le test a montré la capacité des forces stratégiques indiennes à charger plusieurs ogives nucléaires sur un seul missile, qui peut ensuite les lancer à l’intérieur du territoire ennemi, échappant ainsi aux systèmes de défense antimissile de ce dernier. Le missile peut également transporter des leurres qui peuvent échapper aux contre-mesures de l’ennemi. De plus, ce test présente une justification économique puisque la technologie MIRV permet de charger plusieurs ogives nucléaires sur un seul missile, souvent très coûteux, augmentant ainsi la létalité à un coût moindre.
Les analystes soulignent que la capacité MIRV renforce la capacité nucléaire de l’Inde Counter Strike capacités, lui donne la capacité de échapper à toute défense antimissile balistique actuelle et future (BMD), et permet aux forces stratégiques indiennes de remplacer la précision par la puissance de feu.
L’essai démontre que les services de sécurité nationale indiens ont réussi à miniaturiser des ogives nucléaires pouvant être orientées vers des ICBM – il est important de le souligner puisque des essais limités, y compris ceux de 1998, ont soulevé des questions sur la capacité de l’Inde à concevoir des ogives miniaturisées. D’autres éléments du test MIRV ne sont pas autant abordés mais donnent néanmoins un aperçu de l’évolution de la réflexion stratégique de l’Inde.
Premièrement, alors que le test MIRV a été conçu pour démontrer la capacité de deuxième frappe de l’Inde, la capacité de lancer plusieurs charges plus petites sur un seul missile montre qu’en cas d’attaque contre les satellites indiens CISR (communication, renseignement, surveillance et reconnaissance) par un puissance hostile, le DRDO peut rapidement mettre en orbite des satellites miniaturisés qui peuvent agir comme les yeux de l’Inde dans le ciel. Ces satellites peuvent être lancés pour remplacer les satellites endommagés et restaurer les réseaux de communication et de surveillance essentiels. La capacité de contrecarrer les attaques antisatellites d’un ennemi doit être considérée à la lumière de Les propres armes spatiales de l’Inde programme qui a été testé en mars 2019.
VK Saraswat, ancien conseiller scientifique du ministre de la Défense et ancien directeur général du DRDO, a déclaré qu’un Agni-V modifié pourrait lancer des mini-satellites. Il a affirmé que l’Agni-V pourrait lancer des satellites en orbite terrestre basse pour rétablir les liaisons de communication « au cas où le pays se verrait refuser l’accès à ses constellations de satellites par l’ennemi ».
La capacité de l’Inde à concevoir des satellites miniaturisés a été démontrée en 2017, lorsque l’Organisation indienne de recherche spatiale (ISRO) a établi un record mondial en plaçant 104 satellites sur une orbite héliosynchrone au cours d’une seule mission.
Le récent test MIRV confirme également un secret mal gardé : l’utilité militaire de l’ISRO civil indien. Les conceptions de la série de missiles Agni développées par le DRDO seraient basées sur les lanceurs de satellites (SLV) de l’ISRO, la première itération de l’Agni étant basée sur le SLV-3 de l’ISRO avec des modifications pour garantir que des charges utiles plus élevées puissent être installées sur les missiles.
Le DRDO travaille sur ses lanceurs de satellites, basés sur le SSLV (Small Satellite Launch Vehicle) de l’ISRO, qui permettront à toutes les branches de l’armée de lancer des satellites. La conception du SSLV permettra le lancement de satellites dans un délai d’exécution rapide avec des exigences d’infrastructure minimales, ce qui signifie qu’il pourra être lancé à partir d’un véhicule TEL (transporteur-érecteur-lanceur) à plusieurs essieux.
Enfin, la militarisation de l’ISRO est évidente avec le déplacement fréquent de responsables de l’ISRO vers le DRDO. Par exemple, la mission Divyastra était officiellement dirigée par l’expert en missiles R. Sheena Rani, qui travaille au Advanced Systems Laboratory (ASL) du DRDO à Hyderabad. Elle a auparavant travaillé pendant huit ans à l’ISRO au Centre spatial Vikram Sarabhai.