Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a demandé vendredi une enquête approfondie et transparente sur les récents événements au cours desquels des responsables militaires ukrainiens auraient tenté de signifier une convocation à titre d’enquête à Yevhen Shulhat, un journaliste travaillant pour le média d’investigation ukrainien Slidstvo.Info. Selon les informations de Slidstvo.Info, cet incident a été orchestré par le Service de sécurité intérieure ukrainien (SBU), prétendument en représailles aux enquêtes menées par Choulhat sur les actifs immobiliers d’Ilya Vityuk, chef du département de cybersécurité du Service de sécurité ukrainien.
Selon les récits de Slidstvo.Info et d’autres médias locaux, le 1er avril 2024, deux officiers d’un bureau de recrutement militaire local se sont approchés de Shulhat alors qu’il faisait ses courses, essayant de lui remettre un avis de se présenter à leur bureau. Lorsque Shulhat a commencé à enregistrer et à interroger les policiers sur les liens potentiels avec son enquête sur les biens immobiliers de Vityuk, ils sont immédiatement partis. Bien que les individus appartenant au groupe d’âge de Shulhat soient légalement soumis à la conscription en vertu de la loi martiale ukrainienne, les circonstances entourant cet événement suggèrent un écart par rapport aux procédures établies dans la loi ukrainienne. Notamment, les images de vidéosurveillance examinées par Slidstvo.Info ont révélé que les deux agents entraient dans le supermarché accompagnés d’un civil, identifié par Slidstvo.Info comme étant un représentant du SBU. Cet individu a signalé Shulhat avant de partir. Peu de temps après, les policiers ont contacté Shulhat, l’ont appelé par son nom et l’ont informé de la nécessité de mettre à jour ses informations personnelles auprès du comité de recrutement, citant son récent 27e anniversaire.
Cet incident a suscité de nombreuses réactions dans les cercles militaires, politiques et médiatiques. Le 7 avril, plusieurs organisations et médias ukrainiens ont publié une déclaration commune appelant le président, le ministère de la Défense et le SBU à engager des poursuites pénales contre les responsables de l’opération de recrutement ciblé. Par la suite, le 8 avril, le bureau du procureur général d’Ukraine a annoncé l’ouverture d’une procédure pénale pour abus d’autorité et entrave aux activités professionnelles des journalistes par le personnel du SBU et du bureau de recrutement militaire. L’enquête est supervisée par le Bureau d’enquête de l’État ukrainien. Par ailleurs, le 9 avril, le chef du département de cybersécurité du SBU a été suspendu dans l’attente de l’enquête, tandis que le chef du bureau de recrutement militaire a été rétrogradé.
Même si l’Ukraine a fait des progrès dans la promotion de la liberté de la presse et du pluralisme des médias, le pays reste confronté à d’importants défis dans ce domaine. Selon le Classement mondial de la liberté de la presse 2023 établi par Reporters sans frontières, l’Ukraine se classe au 79e rang sur 180 pays. Les journalistes ukrainiens continuent d’être la cible d’attaques et d’abus de la part de la Russie, en plus d’être confrontés à des cas de harcèlement de la part des autorités de leur propre gouvernement. Des organisations internationales telles que l’Institut international de la presse ont documenté une tendance inquiétante à l’intimidation et au harcèlement soutenus par l’État contre les journalistes d’investigation en Ukraine. Un exemple notable est le cas de Bihus.Info, qui a découvert que le SBU avait secrètement enregistré certains de ses employés consommant de la drogue lors d’une célébration du Nouvel An, puis a divulgué les images pour discréditer l’organisation. En réponse à cette révélation, les services de sécurité ont licencié les employés impliqués et se sont engagés à défendre la liberté de la presse, même si des doutes subsistent quant à leur véritable attachement à ce principe fondamental.