Faits
Sur base de l’arrêt, on peut déduire qu’une société belge s’était engagée à réaliser un investissement dans une œuvre audiovisuelle au cours de l’exercice 2017 avec l’intention de bénéficier de l’avantage fiscal prévu à l’article 194ter WIB92. A cet effet, un accord a été conclu entre la société belge d’une part et la société de production d’autre part, (on s’en doute) conformément aux conditions reprises à l’article 194ter WIB92.
Parallèlement, cet accord contenait une clause imposant à la société de production l’obligation de notifier l’accord dans les délais conformément à l’article 194ter, §7, premier alinéa, 1° WIB92. D’après le jugement, la société de production ne semble pas avoir mis en œuvre cette mesure (à temps).
En l’absence de notification dans les délais de l’accord, il apparaît que l’Administration a refusé de délivrer le certificat d’abri fiscal, après quoi elle a imposé le bénéfice exonéré.
Question juridique
Alors que l’entreprise a invoqué en vain la notion juridique de “force majeure” dans l’ordonnance principale et a également vu la violation du principe de proportionnalité non confirmée, elle a demandé dans l’ordonnance subsidiaire l’exonération de l’impôt sur les dépenses rejetées (en raison de la non-conformité -déductibilité des frais qui étaient accompagnés du paiement à la société de production). Le contribuable était également frustré sur ce point.
En particulier, le tribunal estime que l’article 194ter WIB92 ne permet pas la déductibilité des frais liés à l’achat d’un certificat d’abri fiscal. A cet égard, le tribunal cite l’article 194ter, §11, dernier alinéa WIB92 :
Par dérogation aux articles 23, 48, 49 et 61, les frais et pertes ainsi que les pertes, provisions et amortissements relatifs à l’achat d’un certificat d’abri fiscal ne sont ni déductibles au titre de dépenses ou pertes professionnelles, ni exonérés.
Sur la base du passage précédent, le tribunal déclare que les instructions permettant une déduction des coûts pour les projets dans lesquels aucun avantage d’abri fiscal n’est obtenu sont contra legem et donc non applicables. Cette analyse ne peut être approuvée.
Absence d’accord-cadre…
Dans le cas où l’accord entre l’investisseur et la société de production n’est pas notifié à temps, il nous semble qu’il ne peut être question d’un soi-disant « accord-cadre ». Un accord-cadre est défini comme suit par l’article 194ter, §1, premier alinéa, 5° :
« la convention qui aura été notifiée au Service Public Fédéral Finances par la société de production éligible dans le mois suivant sa signature […]».
Au vu de la définition ci-dessus, la notification de l’accord constitue, à notre avis, un élément constitutif pour pérenniser la qualification d’« accord-cadre ». Si aucune inscription n’a été effectuée dans les délais, il nous semble que le contribuable ne peut pas prétendre à l’exonération fiscale prévue à l’article 194ter, §2 WIB92 :
« Au nom de l’investisseur éligible, le bénéfice imposable de la période imposable au cours de laquelle l’accord-cadre a été signé […] exonéré »… empêche l’application de la limitation de la déduction
Contrairement à ce que décide le tribunal, nous estimons que la limitation de déduction prévue à l’article 194ter, §11 WIB92 ne peut pas être appliquée. Le texte de la loi ne fournit aucune base pour cela :
« Les dispositions qui précèdent sont sans préjudice du droit de l’investisseur éligible de demander toute déduction à titre de frais professionnels de sommes autres que celles versées au titre de l’accord-cadre et qui concernent également la réalisation d’une œuvre éligible, et ce dans les conditions déterminées par Articles 49 et suivants.
Par dérogation aux articles 23, 48, 49 et 61, les frais et pertes ainsi que les pertes, provisions et amortissements relatifs à l’achat d’un certificat d’abri fiscal ne sont ni déductibles à titre de dépense ou perte professionnelle, ni exonérés.
Etant donné qu’aucun accord-cadre n’a été signé (cf. supra), on ne peut, à notre avis, supposer que les coûts concernent l’achat d’un certificat d’abri fiscal. Conformément à l’article 194ter, §1, 10° WIB92, un tel certificat ne peut être délivré que sur la base de la signature d’un accord-cadre.
Par conséquent, l’article 194ter, §11, avant-dernier alinéa WIB92 entre pleinement en jeu et le contribuable a effectivement le droit de déduire fiscalement les frais lorsque les conditions énoncées à cet effet sont remplies.
Cela est conforme à l’intention du législateur, comme le montre également l’amendement numéro 2 au projet de loi initial sur les abris fiscaux.[1]. Il a déjà été précisé que la portée de la limitation de la déduction était que « le même montant [niet] deux fois pour la réduction [zou] sont éligibles, une fois sur la base du présent article, puis à nouveau sur la base d’autres dispositions fiscales entraînant un régime de déduction ou d’exonération de l’assiette fiscale.
En d’autres termes : la limitation de la déduction visait à empêcher un contribuable de pouvoir exonérer le bénéfice et également déduire les coûts, les amortissements, etc. du bénéfice à des fins fiscales. Le fait que les frais soient effectivement déductibles a également déjà été confirmé par le Service de Décisions Anticipées dans la décision anticipée 2013.469 du 5 novembre 2013 :
“Dans l’hypothèse où l’exonération définitive n’est pas obtenue par l’investisseur, autrement dit, lorsque l’article 194ter, §2 CIR 92 n’est pas applicable, les frais, pertes, réductions de valeur, provisions et amortissements portant sur ces droits de créance et sur ces droits de production et d’exploitation de l’œuvre sont déductibles dans le chef de l’Investisseur”
L’analyse technique est largement similaire, dans le sens où l’ancien article 194ter, §6 WIB92 prévoyait également une limitation de déduction dans la mesure où les sommes étaient exonérées conformément à l’ancien article 194ter, §2 WIB92.
« Par dérogation aux articles 23, 48, 49 et 61, les frais et pertes, ainsi que les amortissements, provisions et dépréciations, relatifs, selon le cas, aux créances et aux droits de propriété et d’exploitation de l’œuvre admissible, résultant d’emprunts ou d’opérations mentionnées au § 2, non déductibles au titre des charges ou pertes professionnelles, ni exonérées.
En même temps, le §2 se lit comme suit :
« Au nom de l’entreprise […] dans les limites et selon les conditions fixées ci-après, le bénéfice imposable est exonéré à hauteur de 150 %, soit des sommes effectivement versées par cette société en exécution de l’accord-cadre, soit des sommes pour lesquelles la société s’est engagée à verser des acomptes. en application de l’accord-cadre.
La justification de la limitation de la déduction se trouve également dans l’exposé des motifs :
« Il convient également de souligner que cette non-déductibilité est limitée aux seuls droits attachés à l’accord-cadre. Toutefois, ne sont pas compris les droits résultant d’emprunts ou d’opérations autres que ceux mentionnés au § 2 du même article.[2] (c’est moi qui souligne)
Il s’ensuit – également au vu de l’évolution de la législation – que la limitation de la déduction concernant les coûts, pertes, etc. supportés par l’entreprise dans le cadre d’un investissement non exonéré, deviendra effectivement caduque.
À notre avis, le jugement du tribunal ne peut être suivi.
Augmentation des impôts
Comme il ressort également du jugement, l’Administration impose également une augmentation d’impôt à l’investisseur concerné pour avoir soumis une déclaration fiscale incorrecte, sans aucune intention d’évasion fiscale. D’après ce que l’on peut déduire du jugement, il est reproché au contribuable d’avoir déposé une déclaration fiscale sans vérifier si l’accord a été notifié à temps (une des conditions pour bénéficier de l’exonération temporaire d’abri fiscal).
Le fait que l’administration continue d’insister sur une telle augmentation d’impôt même pendant la phase d’opposition est surprenant, compte tenu de l’exposé des motifs de la loi du 12 mai 2014. Lors de la préparation parlementaire, le mécanisme de sanction sera discuté plus en détail si certaines obligations ne sont pas respectées ou ne sont pas incluses dans l’accord-cadre.
Plus spécifiquement, il discute de la situation dans laquelle la société de production ne s’engage pas à déclarer au final que le travail a été réalisé à l’aide du système d’abri fiscal, ce qui est l’une des obligations qu’une société de production doit respecter à vie. , tout comme l’obligation de notifier l’accord à temps.
A cet égard, il est précisé que le non-respect d’une telle obligation ne pourra être retenu contre l’investisseur :
« au contraire, le non-respect d’une obligation peut entraîner le retrait de la reconnaissance accordée à la société de production »[3] (c’est moi qui souligne)
À notre avis, on peut en déduire que l’inopposabilité du non-respect des obligations ne se limite pas à la non-mention dans le générique final de la mesure d’aide. Au contraire, cela s’applique à toute obligation contractée par la société de production. En ce sens, nous pensons qu’imposer une augmentation d’impôt à un investisseur involontaire va à l’encontre de l’objectif visé.
Égalité
Même si l’on fait abstraction des dispositions de la préparation parlementaire, il nous semble qu’un contribuable qui n’a pas connaissance du non-respect des obligations par la société de production (et n’en était pas non plus conscient) ne peut pas être sanctionné d’une augmentation des impôts de 10% et ce dans le respect de l’égalité des droits des contribuables.
Comme le souligne à juste titre le contribuable dans l’affaire susmentionnée, des mesures fiscales générales ont en effet été prises dans le passé en faveur des investisseurs concernés par le tax Shelter, c’est-à-dire les investisseurs qui n’ont pas reçu d’attestation fiscale (par exemple dans l’affaire Corsan). Au regard du principe d’égalité et des principes généraux de bonne gouvernance, on voit mal pourquoi un certain nombre d’investisseurs de tax Shelter pourraient compter sur une clémence fiscale (en matière de remise de majorations d’impôts et d’intérêts de retard rétroactifs), alors que ce n’est pas le cas de l’argent pour les investisseurs individuels dans un dossier à échelle limitée.
Conclusion
Malgré tous les changements apportés à la loi, force est de constater que l’application de la loi sur les abris fiscaux continue de soulever une série de problèmes.
Ces problèmes donnent souvent lieu à l’imposition d’augmentations d’impôts et d’intérêts de retard rétroactifs sur le contribuable, alors qu’en pratique il est presque toujours convenu que ce parti n’est pas responsable du non-respect des conditions.
Par ailleurs, il faut noter qu’un certain nombre de services d’inspection refusent également d’exonérer la taxe sur l’investissement initial. Comme précisé ci-dessus, nous estimons qu’il n’y a aucune interdiction de déduction si aucun certificat d’abri fiscal n’est délivré.
Quoi qu’il en soit, il est clair qu’une telle position n’incite guère les investisseurs concernés à réaliser un nouvel investissement dans un abri fiscal.
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[1] Amendements au projet de loi complétant le Code des impôts sur le revenu 1992 en ce qui concerne les aides à la production d’œuvres audiovisuelles, Parl.St. Sénat, 2000-01, n° 2-7003/2.
[2] Exposé des motifs du projet de loi contenant des dispositions fiscales et financières et des dispositions relatives au développement durable, Parl.St. Chambre 2012-13, n° 53-2756/1, 14.
[3] Exposé des motifs du projet de loi modifiant l’article 194ter du Code des impôts sur le revenu 1992 concernant le régime du tax Shelter en faveur des œuvres audiovisuelles, Parl.St. Chambre 2013-14, n° 53-3490/1, 20.
Source : Tiberghien