Auteur : Olivier Vanden Berghe (Revue de droit commercial belge)
D’une manière remarquable arrêt du 14 mars 2024 (C.23.0100.N) la Cour de cassation a jugé que la loi sur la responsabilité du fait des produits limite l’application de la responsabilité extracontractuelle pour faute des articles 1382 et 1383 de l’ancien Code civil.
Bien que l’article 13 de la loi sur la responsabilité du fait des produits précise qu’il ne porte pas atteinte aux droits que la victime tire de la loi en matière de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, la Cour de cassation juge que, dès lors que le fondement matériel de la responsabilité consiste dans le Si un produit défectueux a été mis en circulation et a causé des dommages, le fabricant et le fournisseur ne peuvent être tenus responsables et la victime ne peut obtenir une indemnisation que dans les conditions de la loi sur la responsabilité du fait des produits. Leur responsabilité extracontractuelle sur le fondement des articles 1382 et 1383 de l’Ancien Code Civil ne peut donc être retenue que si le délit est fondé sur une erreur autre que la mise en circulation du produit défectueux.
La Cour de cassation se réfère, sur la base du préambule de la directive et des arrêts de la Cour de justice, à l’objectif principal de la directive consistant à éliminer, par une harmonisation maximale, les différences entre les systèmes nationaux de responsabilité pour les dommages causés par des produits, afin de réaliser le marché intérieur et de sauvegarder la libre concurrence entre les opérateurs économiques.
La Cour précise que cette exclusion du système de responsabilité extracontractuelle s’applique indépendamment du fait qu’elle puisse offrir un niveau de protection plus élevé à la victime.
Cela signifie logiquement que le recours, conformément à la loi sur la responsabilité du fait des produits, expire au bout de trois ans à compter du jour où le demandeur a eu connaissance ou aurait dû prendre connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur. Le demandeur ne peut donc bénéficier de la prescription plus longue en matière de responsabilité extracontractuelle, sauf s’il invoque une faute caractérisée.
Le libellé du jugement a également des conséquences considérables sur le préjudice indemnisable. La loi sur la responsabilité du fait des produits ne prévoit l’indemnisation que pour certains types de dommages causés par des produits défectueux, notamment les dommages causés aux personnes et les dommages causés aux biens destinés à un usage ou à une consommation dans le domaine privé, ces derniers après déduction d’une franchise de 500 €. Selon l’arrêt, malgré la preuve que la mise sur le marché d’un produit défectueux constitue une erreur extracontractuelle, la victime ne pourrait pas prétendre à une indemnisation pour les dommages causés à des biens autres que des biens de consommation privée, pour lesquels la loi sur la responsabilité du fait des produits implique implicitement une exemption légale.
La loi sur la responsabilité du fait des produits est donc ambiguë. Elle est avantageuse pour la victime s’il n’y a aucune preuve de faute, mais s’il est prouvé que la commercialisation du produit constitue une faute, la loi est désavantageuse car elle lui refuse une pleine indemnisation.
On peut donc s’attendre à des descriptions alternatives inventives de la faute commise par le producteur, pour tenter d’échapper à cette limitation de responsabilité.
Source : Revue de droit commercial belge