La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a statué mardi à la majorité que l’Albanie avait violé le droit d’accès à la justice du requérant après que son fils ait été sévèrement battu à l’école.
Le fils du requérant fut frappé en 2011 par un autre élève mineur, ce qui lui fit perdre la vue d’un œil. Le requérant intenta une action civile en indemnisation auprès du tribunal du district de Tirana contre l’école au nom de son fils. Le requérant allègue que l’école n’a pas pris toutes les précautions nécessaires pour éviter que son fils ne soit blessé, ce qui lui a valu d’être responsable des dommages. En 2013, le tribunal du district de Tirana a rejeté la demande d’indemnisation, car le préjudice causé avait été causé par un tiers et non par le défendeur. Le requérant forma ensuite deux recours devant la cour d’appel de Tirana et devant la Cour suprême, qui furent tous deux rejetés. La Cour suprême a jugé qu’elle ne pouvait pas modifier la décision de la Cour d’appel sauf en cas d’application incorrecte du droit matériel ou procédural, ce qui n’était pas le cas. Finalement, le requérant a déposé un recours constitutionnel auprès de la Cour constitutionnelle en 2018, le recours étant irrecevable car introduit trop tard.
Le requérant s’est adressé à la CEDH, se plaignant que le droit consacré à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (Convention) avait été violé par l’Albanie. Le droit au respect de la vie privée et familiale est protégé par l’article 8 de la Convention. En outre, le requérant dénonce la violation du droit à un procès équitable consacré à l’article 6 § 1 de la Convention, qui contient le droit d’accès à un tribunal. La majorité s’est prononcée en faveur du requérant et a estimé que les tribunaux internes n’avaient pas examiné l’affaire avec soin et n’avaient donc pas protégé efficacement l’intégrité physique de l’enfant. Toutefois, l’opinion dissidente soutient que le rôle premier des tribunaux est de statuer selon les règles d’un procès équitable et non de protéger l’intégrité physique d’un mineur contre une blessure grave. Même si les mesures prises par les autorités n’ont pas satisfait le requérant, elles ne constituent pas une violation de la Convention.
La CEDH se réfère à l’affaire Đurđević c. Croatie, dans laquelle elle a décidé que la discipline scolaire relève du droit à l’éducation et que les États ne peuvent pas s’exonérer de leur responsabilité en déléguant leurs obligations à des organismes privés ou à des individus. En outre, la majorité a soutenu dans cette affaire que les obligations découlant de l’article 8 peuvent impliquer l’adoption de mesures destinées à garantir le respect de la vie privée même dans le domaine des relations des individus entre eux. Le tribunal estime que les recours civils dont disposait le citoyen dans cette affaire n’offraient pas une protection adéquate contre une atteinte à l’intégrité physique du fils du demandeur. L’État a ainsi violé ses obligations au titre de l’article 8 de la Convention. D’un autre côté, la minorité a fait valoir que la décision de la majorité – qui embrasse l’obligation générale de surveillance qui incombe aux autorités scolaires – est une évolution jurisprudentielle qui ne repose sur aucun consensus européen sans une enquête de droit comparé. La minorité estime également que le raisonnement de la majorité est erroné en supposant que les États ont une obligation positive selon laquelle tous les établissements d’enseignement, publics ou privés, sont tenus d’assurer la sécurité de leurs élèves à tout moment.
Concernant le grief relatif à la violation du droit d’accès à un tribunal, la CEDH décide que le requérant a été privé de ce droit, car la date avait été comptée à partir du moment où la décision de la Cour suprême a été rendue, au lieu de la date lorsqu’elle a été signifiée au requérant.