Auteurs : Marco Schoups et Sophie Deckers (Schoups)
Une phrase malheureusement formulée lors de la préparation parlementaire de la loi B2B du 4 avril 2019 suggère que toute clause compromissoire contenue dans un accord entre entreprises est illégale et donc nulle. Est-ce ainsi? Est-il encore judicieux d’inclure des clauses d’arbitrage dans les accords entre entreprises ?
1.- Le problème.
La loi B2B du 4 avril 2019 a ajouté l’art. VI.91/4, 3° WER prévoit une liste « noire » de quatre clauses entre entreprises qui sont toujours (« en soi ») illégales et donc nulles. Cela inclut des clauses qui « renoncent à l’autre partie à tout recours contre la société ».
La préparation parlementaire suggère que les clauses compromissoires relèvent de cette interdiction (Parl.St. Chamber 2015-16, n° 54-1451/1, 37) :
« Le point ici est que sont interdites les clauses qui excluent tout moyen de recours, c’est-à-dire les « clauses d’autodirection » qui excluent l’accès à la justice. Le « jus agendi » est une question d’ordre public. Par exemple, on pourrait envisager des clauses qui obligent l’autre partie à un arbitrage, ou qui interdisent à l’autre partie d’engager une action collective.
Précisément parce qu’il s’agit d’une clause de la liste noire, pour laquelle aucune contre-preuve ne peut même être fournie que la clause (d’arbitrage) est justifiée dans les circonstances données, il en résulterait qu’une clause d’arbitrage entre entreprises est toujours nulle et non avenue. Bien entendu, la préparation parlementaire n’a pas force de loi, mais elle est considérée comme faisant autorité dans une certaine mesure pour l’interprétation de la loi.
2.- La critique.
Dans la doctrine juridique, cette position dans la préparation parlementaire est à juste titre largement critiquée, et certains auteurs la rejettent même comme une erreur (manifeste) du législateur – par exemple par M. BERLINGIN, qui écrit que :
“Cette précision apportée par le législateur dans les travaux préparatoires est étonnante à plus d’un titre et il convient de conclure qu’il s’agit manifestement d’une erreur.”
(M. BERLINGIN, “La clause d’arbitrage dans les contrats entre entreprises n’est pas abusive”, JT 2020, 173-175)
Il existe une doctrine juridique qui reconnaît que les clauses d’arbitrage pourraient, dans des circonstances très exceptionnelles, tomber sous le coup de l’interdiction plus générale des clauses manifestement déséquilibrées – par exemple (et selon les circonstances) si la clause stipule déjà qu’une partie doit supporter tous les frais de l’arbitrage (R . JAFFERALI, F. LAUNE et S. VAN LOOCK, « Clauses illégales dans la loi B2B du 4 avril 2019 : quel impact le domaine des ADR ? », B-arbitra 2021, épisode 2, 301 ). Un exemple extrême pourrait être la désignation d’une institution d’arbitrage dans un pays lointain. Il s’agit bien entendu d’une tout autre affaire que l’inscription des clauses compromissoires sur la liste noire : la charge de la preuve des circonstances exceptionnelles – qui doivent être suffisamment graves pour rendre la clause compromissoire inopérante – incombe alors à la partie qui tente de contourner l’arbitrage. clause.
Il est frappant que la jurisprudence et la doctrine reconnaissent même de manière générale que la clause illicite formulée de manière identique dans un contexte B2C (art. VI.83, 22° CEL) ne s’applique pas aux clauses compromissoires. Il serait très utile d’évaluer une clause d’arbitrage de manière plus stricte dans les litiges commerciaux que dans les litiges de consommation.
3.- Pratique.
Une clause compromissoire dans un accord est en principe neutre au moment de la conclusion du contrat : les deux parties devront s’adresser au(x) arbitre(s) plutôt qu’à un tribunal pour la résolution d’un litige pouvant survenir au cours de leur contrat. . Au moment de la conclusion du contrat, les parties ne savent pas si un litige surviendra et qui sera le plus disposé à porter un litige devant le ou les arbitres. Cela ne prive pas les parties de l’accès à la justice ; L’arbitrage est une méthode efficace de résolution des conflits prévue (et soutenue) par le législateur.
Si un litige survient et qu’une partie s’adresse néanmoins au tribunal gouvernemental malgré la clause compromissoire, les demandeurs pourraient malheureusement profiter de l’insécurité juridique créée par le législateur pour tenter de contourner une clause compromissoire convenue.
4.- Le résultat : une insécurité juridique.
Le résultat est que les parties qui incluent une clause d’arbitrage dans leur accord peuvent se trouver confrontées à une incertitude. Ils courent désormais le risque de devoir d’abord se défendre devant un tribunal gouvernemental, puis éventuellement d’être déférés à un ou plusieurs arbitres. Le législateur menace ainsi de porter atteinte à son propre objectif en introduisant dans le Code judiciaire la partie VI relative à l’arbitrage : notamment la promotion de la Belgique comme forum attractif pour l’arbitrage.
La doctrine juridique semble s’accorder à l’unisson sur le fait que la référence aux « clauses obligeant l’autre partie à arbitrer » en tant que clause illégale en soi est formulée de manière beaucoup trop large. Les parties et les institutions institutionnelles d’arbitrage ne peuvent qu’espérer que les cours et tribunaux suivront ce jugement et réduiront l’invocation de la doctrine des contrats illégaux aux cas très exceptionnels dans lesquels cela est approprié.
Ce débat souligne en outre l’importance de rédiger les clauses d’arbitrage et, en général, les clauses de règlement des litiges (éventuellement aussi les « clauses de règlement des litiges à plusieurs niveaux ») de manière très claire et réfléchie.
Bron : Schoups