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Depuis le 9 juin, jour des élections, l’Exécutif wallon, comme les autres gouvernements, est entré en « affaires courantes ». Qu’est-ce que cela implique ? Que peut-il encore faire ? Explications.
En Belgique, il n’existe pas de définition juridique de la notion d’« affaires courante ». Si l’on se réfère toutefois à la définition proposée par le Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP), on entend par « affaires courante », les « affaires pouvant être traitées par un gouvernement qui a été démis ou a démissionné (et qui, de ce fait, ne dispose plus que de compétences limitées). La période des affaires courantes s’étend de la destitution ou de la démission de ce gouvernement à la nomination de son successeur ».
Pour mieux comprendre ce que recouvre cette notion en période d’élections, il convient de se reposer sur la jurisprudence récente du Conseil d’État en la matière.
Le Gouvernement régional en place, bien qu’il n’ait pas démissionné, échappe au contrôle du Parlement dès le lendemain des élections puisque le Parlement ancien ne peut plus se réunir. Le Gouvernement wallon échappe à ce contrôle jusqu’à sa démission déposée devant la nouvelle assemblée élue.
Néanmoins, il est juridiquement admis que le Gouvernement peut encore prendre des décisions dans l’attente de sa démission. Il peut, en effet, expédier les affaires courantes.
Ce qu’il peut faire, ce qu’il ne peut pas faire
Le Gouvernement wallon peut ainsi prendre des décisions de routine, portant sur des affaires de gestion journalière. On entend ici l’action de gérer, au quotidien, ce qui se fait chaque jour ou encore ce qui est sujet à changer d’un jour à l’autre. Il s’agit d’affaires dont le règlement n’implique pas de décision quant à la ligne politique à suivre.
Le Gouvernement peut aussi prendre des décisions dans le cadre d’affaires en cours, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit de la poursuite normale d’une procédure régulièrement engagée avant qu’il ne soit privé de sa base parlementaire, conduite à son terme sans célérité inhabituelle, dont le résultat n’a pas, sur le plan de la politique générale, une importance telle qu’elle ne puisse être décidée que par un gouvernement juissant de la confiance du parlement et si les questions politiques qui ont pu se poser ont été résolues avant la période critique.
Par contre, il ne peut absolument pas prendre de décisions dans le cadre d’affaires dites de gouvernement, c’est-à-dire « qui impliquent des options dont l’importance sur le plan de la politique générale est, par essence, telle que ces affaires ne pourraient être décidées que par un Gouvernement qui a l’appui du Parlement et qui risque de perdre cet appui en raison de la décision prise ».
Le fait que, dans le cadre de sa préparation, le dossier a suscité de nombreuses oppositions ou a reçu des avis défavorables ne le fait toutefois pas entrer dans la catégorie des affaires de gouvernement.
Enfin, le Gouvernement garde également le pouvoir de gérer les affaires urgentes, à savoir les situations qui impliquent qu’une décision doit être adoptée pour éviter de mettre en danger ou de porter préjudice à des intérêts fondamentaux.
Concrètement…
Le Gouvernement peut, par exemple, encore octroyer un permis d’environnement de dimension locale sans enjeu électoral régional lorsque la procédure ne démontre ni précipitation, ni retard pour échapper au contrôle parlementaire[1].
De même, il peut octroyer un permis unique dans un dossier de dimension locale.[2]
Le ministre compétent en matière de Pouvoirs locaux peut encore annuler des décisions communales, à moins de démontrer que la décision de tutelle serait d’opportunité et engagerait les intérêts de la Région au point qu’il faille en débattre devant le Parlement. Le contrôle de tutelle relève, en effet, du principe des affaires courantes[3].
Par contre, le Gouvernement ne peut, en l’absence d’urgence, octroyer des licences d’armes dans un contexte où ces décisions ont un impact politique notoire et tranchent entre des intérêts économiques considérables et des principes éthiques. L’octroi de telles licences d’exportation d’arme sont des affaires de gouvernement[4]
Le Gouvernement ne peut plus adopter un arrêté réglementaire emportant une réglementation nouvelle, à moins de démontrer soit l’urgence, soit qu’il s’agit de la finalisation d’une procédure menée lorsque le Gouvernement était encore soumis au contrôle parlementaire.[5]
De même, le Gouvernement ne peut plus modifier de manière importante le statut des agents exerçant des fonctions liées aux relations diplomatiques ou consulaires et à la coopération internationale lorsqu’aucune urgence n’est établie car il s’agit d’affaires de gouvernement.[6] Le Gouvernement fédéral a, par contre, été reconnu compétent pour modifier le statut pécuniaire du personnel des services de police dans un dossier relevant de la catégorie des affaires en cours.[7]
Enfin, par une note du 6 juin 2024, l’inspection des finances pose quelques balises utiles en nous indiquant que, de son point de vue, ne relèvent pas des affaires courantes :
- Une subvention portant sur une nouvelle initiative ou dont le montant est en augmentation par rapport à la pratique habituelle.
- Le lancement ou l’attribution d’un marché public qui ne s’inscrit pas dans la continuité du service public, étant entendu qu’un marché lancé avant le 9 juin peut être attribué.
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[1] CE 141.188 du 24 février 2005 (RW) , CE 166.925 du 18 janvier 2007 (RW)
[2] CE 237.313 du 8 février 2017 (RW)
[3] CE 228.128 du 29 juillet 2014 (RW)
[4] CE 197.522 du 29 octobre 2009 (RW) et CE 212.559 du 7 avril 2011 (RW)
[5] CE 234.463 du 21 avril 2016 (BX) et CE 234.577 du 28 avril 2016 (état fédéral)
[6] CE 234.747 du 17 mai 2016 (état fédéral)
[7] CE 254.197 du 30 juin 2022(état fédéral)