Auteurs : Bob Goedemé et Eva Sterkens (Schoups)
Nous approchons progressivement de la période des vœux du Nouvel An. Si vous vous demandez ce que nous réserve 2025, vous ne pensez peut-être pas d’abord à l’entrée en vigueur de nouvelles règles juridiques. Avec cette contribution nous vous rappelons ces nouvelles règles et l’impact qu’elles peuvent avoir sur vos contrats et polices d’assurance.
Dans des newsletters précédentes, nous avions déjà parlé de la nouvelle loi sur la responsabilité extracontractuelle.[1] Le 7 février 2024, la loi contenant le livre 6 « Responsabilité extracontractuelle » du Code civil a été approuvée. Elle a été publiée au Moniteur belge le 1er juillet 2024.[2] Exactement six mois plus tard, le 1er janvier 2025, les nouvelles règles entreront en vigueur. Dès lors, elles s’appliqueront à tous les faits pouvant engager la responsabilité. En ce sens, ils interféreront également directement avec les contrats en cours.
Via 55 articles répartis en 7 chapitres, le livre 6 « Responsabilité extracontractuelle » remplacera les articles 1382 à 1386 de l’ancien Code civil (les anciennes dispositions restent applicables aux faits antérieurs au 1er janvier 2025, même si leurs conséquences surviennent après cette date ( plus loin). ) manifeste). L’augmentation significative du nombre de dispositions légales obligera de toute façon les assureurs à mettre à jour leurs polices.
Mais l’impact va plus loin. La majorité des nouvelles dispositions légales sont des lois complémentaires. En principe, les parties peuvent s’en écarter contractuellement (sans préjudice des restrictions imposées par des lois particulières). S’ils ne le font pas, les nouvelles règles s’infiltreront dans la relation juridique via la common law. Concrètement : si survient après le 1er janvier 2025 un événement qui ne serait pas réglementé par votre contrat, les nouvelles règles du Livre 6 s’appliqueront (que le contrat ait été signé avant ou après le 1er janvier 2025). En ce sens, les nouvelles règles en matière de responsabilité extracontractuelle auront un impact direct, y compris dans les relations contractuelles.
Outre l’ancrage juridique des principes établis par la jurisprudence en matière de responsabilité extracontractuelle, le Livre 6 apporte également des nouveautés et des changements importants. Nous expliquerons ci-dessous brièvement la suppression de l’interdiction de concours et de la quasi-immunité des personnes auxiliaires. Ces changements, entre autres, devraient avoir un impact majeur, notamment sur le paysage de l’assurance.
En bref, l’interdiction de concurrence actuellement en vigueur signifie que des réclamations ne peuvent être formulées entre parties contractantes que sur des bases contractuelles. Ce n’est que dans des cas exceptionnels qu’il est possible de déroger à ce principe. Pour les faits à compter du 1er janvier 2025, l’interdiction de concours disparaîtra (que le contrat ait été signé avant ou après le 1er janvier 2025). En plus de pouvoir tenir le contractant responsable de son erreur sur la base du contrat, les parties contractantes pourront également se tenir mutuellement responsables de manière extracontractuelle (au moins dans la mesure où l’erreur contractuelle constitue également une violation des une norme de conduite légale ou une norme générale de diligence). Le cocontractant dont la responsabilité extracontractuelle est engagée peut alors invoquer les moyens de défense contractuels.[3] (par exemple une limitation de responsabilité).
Dans la lignée de l’interdiction du concours, la quasi-immunité des auxiliaires sera également remaniée avec le nouveau Livre 6 à compter du 1er janvier 2025. Selon le droit actuel, il n’est pas possible de s’adresser à l’agent d’exécution de votre cocontractant (ni contractuellement ni non contractuellement). Sauf cas exceptionnels, cet assistant est en quelque sorte « immunisé » contre vos réclamations.
A partir du 1er janvier 2025, il sera possible de contacter directement l’assistant de votre cocontractant. Concrètement : en tant que client vous pourrez tenir le sous-traitant de votre entrepreneur principal, avec lequel vous n’avez pas de contrat, directement (non contractuellement) responsable de sa faute. Cela peut être intéressant, par exemple, si l’entrepreneur principal est en faillite et que vous souhaitez récupérer des dommages et intérêts pour une erreur contractuelle auprès du sous-traitant responsable. Le sous-traitant dont la responsabilité extracontractuelle est engagée par le client peut en principe invoquer toutes les défenses contractuelles (tant du contrat principal que du contrat subsidiaire).
La suppression de cette double barrière devrait donner lieu à un afflux de recours en responsabilité extracontractuelle à partir du 1er janvier 2025 entre des parties qui ne pouvaient auparavant pas se tenir mutuellement responsables de manière extracontractuelle. Par extension, cela entraînera également davantage de réclamations et de litiges contre les assureurs responsabilité civile.
Prenons par exemple l’assurance responsabilité civile classique. Avec cette assurance, une entreprise assure sa responsabilité extracontractuelle pour les dommages qu’elle cause aux tiers dans le cadre de ses activités. La responsabilité contractuelle, c’est-à-dire la bonne exécution de l’obligation contractuelle (son propre travail), sera exclue de la couverture par l’assureur (le risque commercial n’est jamais assuré). Jusqu’à présent, une réclamation non contractuelle entre entrepreneurs en raison d’un manquement à des obligations contractuelles pouvait facilement être rejetée par l’assureur de responsabilité civile du responsable, car les réclamations entre entrepreneurs ne pouvaient être formulées que par contrat (et la responsabilité contractuelle n’est pas assurée dans sa police). . Avec la suppression de l’interdiction de concurrence, cet assureur devra se défendre contre la même réclamation à partir du 1er janvier 2025, mais désormais (également) sur la base de motifs extracontractuels (la responsabilité extracontractuelle étant couverte dans la police).
Des discussions similaires sont envisageables à l’égard d’autres polices (Tous Risques Chantier (section II), Responsabilité Professionnelle, Loi Peeters I, Assurance décennale (Contrôle) etc.). Les assureurs qui, au moment de la souscription de leur contrat, n’étaient pas au courant du prochain livre 6 du Code civil et déterminaient leur prime sur la base d’une couverture de responsabilité non contractuelle claire dans le droit actuel, seront confrontés à bien plus à partir de janvier. 1er 2025 – si c’est vrai camouflé – réclamations de couverture. On ne sait pas encore clairement comment la pratique des assurances et, dans la deuxième phase, le pouvoir judiciaire traitera cette question.
Cette insécurité juridique pourrait conduire les assureurs à adopter une position plus stricte en pratique, par exemple dans le cadre de leur politique de souscription (en demandant des informations plus détaillées pour leur permettre de mieux évaluer le risque), lors du traitement des sinistres, etc.
On s’attend généralement à ce que la pratique de l’assurance soit considérablement affectée par l’entrée en vigueur du Livre 6. Les assureurs et la manière dont ils géreront les nouvelles règles sont considérés avec méfiance de toutes parts. Mais alors que le 1er janvier 2025 approche à grands pas, selon les experts, la situation reste remarquablement calme de ce côté-là. Cependant, il faut le rappeler, les nouvelles règles s’appliqueront immédiatement à tous les faits qui surviennent à partir de cette date et qui pourraient engager la responsabilité (elles peuvent donc également interférer avec les contrats en cours).
Pour éviter de commencer 2025 avec une gueule de bois (d’assurance), il convient de revoir activement ces contrats en cours, de vérifier si et dans quelle mesure l’entrée en vigueur du Livre 6 peut avoir un impact sur eux, d’identifier les risques, d’évaluer ces risques par rapport votre couverture d’assurance actuelle et, le cas échéant, anticiper à temps et consulter les spécialistes (juridique/risk manager, courtier d’assurance, assureur, etc.). En tant qu’avocats, nous serons bien entendu également heureux de vous aider dans ce domaine.
[1] Voir aussi : Flash info : le livre 6 du Code civil néerlandais entre en vigueur le 1er janvier 2025. Soyez prêt. | Schoups, Projet de loi Livre 6 du Code civil et la suppression de la quasi-immunité de l’agent exécutif : un état des lieux | Schoups, Projet de loi Livre 6 du Code Civil voté par la Chambre : les dernières étapes vers un nouveau droit de la responsabilité extracontractuelle | Schoups, La responsabilité des dirigeants de sociétés – Qu’apporte le livre 6 du Code civil néerlandais ? | Schoups, Introduction du livre 6 du Code civil néerlandais : plus de possibilités pour le juge sur le fond | Schoups.
[2] Loi du 7 février 2024 contenant le livre 6 « Responsabilité extracontractuelle » du Code civil, BS 1er juillet 2024, 79393.
[3] La loi prévoit une exception pour les demandes d’indemnisation pour dommages physiques et psychologiques et pour erreurs intentionnelles. Aucune défense contractuelle contre cela ne sera possible.
Source : Schoups