Auteurs : Jens Rediers, Sophie De Krock et Michiel Reynders (Schoups)
Dans les contrats de sous-traitance, les parties optent parfois pour une clause de paiement si payé ou de paiement une fois payé. De telles clauses ont pour effet que le paiement du sous-traitant par le maître d’œuvre est rendu dépendant (« back-to-back ») du paiement du maître d’œuvre par son propre client. Autrement dit, le point clé pour le paiement du sous-traitant (par l’entrepreneur principal) est le paiement par le client.
Dans un jugement récent, le Tribunal de Commerce d’Anvers – division Anvers a examiné une clause de paiement en cas de paiement et a décidé de sa nullité.[1]
Dans cette newsletter, nous passons brièvement en revue le concept de clauses de paiement en cas de paiement et discutons des signaux d’alarme associés à de telles clauses.
1. Clauses de paiement en cas de paiement : la distinction
Avec une clause de paiement une fois payé, l’entrepreneur principal s’engage à payer le sous-traitant dès qu’il a été payé par le client. En d’autres termes, le moment où devient exigible la demande de paiement du sous-traitant à l’égard de l’entrepreneur principal est reporté. Avec une telle clause, seul le risque de retard de paiement incombe donc au sous-traitant.
Une clause de paiement si payé signifie à son tour qu’une condition est attachée à l’obligation de paiement de l’entrepreneur principal envers le sous-traitant : ce n’est que si le client paie l’entrepreneur principal que l’entrepreneur principal est tenu de payer le sous-traitant. Contrairement à une clause de paiement une fois payé, une clause de paiement si payé fait peser le risque de paiement sur le sous-traitant lui-même.
2. Drapeaux rouges concernant les clauses de paiement si/quand-payé
Bien que le tribunal de commerce d’Anvers n’ait pas explicitement statué dans le jugement susmentionné sur la question de savoir s’il s’agissait d’une clause de paiement au moment du paiement ou d’une clause de paiement en cas de paiement, le tribunal a néanmoins avancé trois fondements juridiques clairs sur la base desquels il a décidé d’annuler la clause en question.
Ci-dessous, nous discutons brièvement des différents fondements juridiques sur lesquels le tribunal s’est appuyé, et donc des signaux d’alarme qui doivent être pris en compte lors de la rédaction d’une telle clause dans un accord.
a) Délai de paiement maximum de soixante jours de droit impératif (art. 4, §1, deuxième alinéa de la loi sur les arriérés de paiement)
La première base juridique citée par l’arrêt est constituée par les dispositions impératives de la loi sur les arriérés de paiement.[2].
La loi sur les arriérés de paiement prévoit un délai de paiement standard de trente jours.[3]. Les parties peuvent s’en écarter contractuellement, mais – en raison de l’article 4, §1, deuxième alinéa obligatoire de la loi sur les arriérés de paiement – elles ne peuvent pas stipuler un délai de paiement supérieur à soixante jours.
Une clause de paiement une fois payé retarde l’échéance de la demande de paiement du sous-traitant à l’égard de l’entrepreneur principal et, en d’autres termes, prolonge le délai de paiement.
Du contrat de sous-traitance en question, le tribunal de commerce d’Anvers a déduit que l’entrepreneur principal s’était engagé à indemniser son sous-traitant. Cela a conduit les parties à se mettre d’accord non pas sur une condition (suspensive), mais sur un délai de paiement auquel s’appliquent les dispositions impératives de la loi sur les arriérés de paiement.
Étant donné que la mise en œuvre de cette clause entraînerait un dépassement du délai de paiement maximum obligatoire de soixante jours, le tribunal a décidé d’annuler la clause de paiement en cas de paiement en question au motif d’une violation des dispositions impératives de la loi sur le paiement. arrérages.
b. Présomption d’illégalité lors du transfert du risque économique (art. VI.91/5, 3° CEL)
La deuxième base juridique sur laquelle se fonde le jugement est une violation des clauses illégales des contrats B2B incluses dans le Code de droit économique (WER), plus précisément de l’article VI.91/5, 3° WER.
Est présumée illégale au sens de l’article VI.91/5, 3° WER une clause visant à faire supporter sans contrepartie un risque économique à une partie s’il incombait normalement à l’autre société ou à une autre partie. Une clause de paiement en cas de paiement doit également être conforme à cela.
Le tribunal de commerce d’Anvers a jugé qu’avec une clause de paiement si/quand-payé, le risque de paiement, au moins le risque de retard, est transféré au sous-traitant, alors que ce risque économique incombe en principe à l’entrepreneur principal.
Étant donné que le contrat de sous-traitance en cause ne prévoyait aucune contrepartie pour le sous-traitant pour le transfert des risques, le tribunal a jugé que la clause de paiement en cas de paiement en cause était illégale et donc nulle.
c. Abus de droits
Enfin, l’arrêt fait référence à l’abus de droit comme base juridique.
Une clause de paiement en cas de paiement, comme toute clause contractuelle, est susceptible de donner lieu à un abus de droit. L’application incorrecte d’une clause de paiement en cas de paiement peut avoir pour conséquence que le maître d’œuvre ne puisse plus se prévaloir de la clause susmentionnée.
Par exemple, dans cette affaire, le tribunal de commerce d’Anvers a statué que l’entrepreneur principal ne pouvait pas se prévaloir de la clause de paiement en cas de paiement si le client ne payait pas l’entrepreneur principal sur la base de l’exception de non-exécution et/ ou d’autres défauts imputables au contractant principal et non au sous-traitant.
3. Décision
Il ressort du jugement du tribunal de commerce d’Anvers que l’avenir des clauses de paiement en cas de paiement dans les contrats soumis au droit belge est menacé.
Malgré leur validité de principe, il convient d’être particulièrement prudent et précis lors de la rédaction de telles clauses. Après tout, la sanction est sévère : une clause de paiement si/quand-payée qui est nulle et non avenue est réputée n’avoir jamais existé. L’entrepreneur principal ne peut pas s’en prévaloir à l’égard de son sous-traitant, que ce soit pour des paiements effectués dans le passé ou dans le futur.
Pour plus de conseils à ce sujet, vous pouvez toujours contacter Jens Rediers, Sophie De Krock et Michiel Reynders.
[1] Orbe. Anvers 30 mars 2023, n° AR/22/03905, DAOR 2023/2, n° 146, 57.
[2] Loi du 2 août 2002 relative à la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, modifiée en dernier lieu par modification de la loi du 14 août 2021 (entrée en vigueur : 1er février 2022)
[3] Article 4, §1, premier alinéa de la loi sur les retards de paiement
Bron : Schoups