Auteur : Silke Rogiers (aternio)
Le droit européen de la concurrence joue un rôle crucial dans l’élaboration des contrats de franchise. Comment les règles de concurrence affectent-elles la dynamique entre franchiseurs et franchisés ? Quelles obligations européennes devez-vous prendre en compte lors de la rédaction d’un contrat de franchise ?
Que sont les contrats de franchise ?
En l’absence de définition dans la législation, la doctrine et la jurisprudence belges déterminent l’interprétation de cette notion. Un contrat de franchise est un accord à caractère pécuniaire qui crée des droits et obligations réciproques entre le franchiseur et le franchisé. Le franchiseur s’engage avec le franchisé à organiser soit la distribution de produits ou de services, soit la fabrication de produits selon son savoir-faire développé. En particulier, nous pouvons en déduire 3 caractéristiques clés :
Le franchiseur est tenu de transmettre son savoir-faire au franchisé et de l’assister dans sa mise en œuvre pendant toute la durée du contrat. Le franchisé doit utiliser et appliquer le nom, la bannière et le savoir-faire conformément aux instructions du franchiseur. Les deux parties sont obligées de travailler ensemble loyalement pour parvenir à leur succès commercial mutuel.
Des exemples bien connus de franchise sont Delhaize et Hubo. Les magasins Delhaize et Hubo sont exploités par des entrepreneurs indépendants. Ils bénéficient de l’exclusivité dans la zone où ils se trouvent. Delhaize et Hubo proposent aux franchisés une formule fixe sur la manière dont ils doivent organiser le magasin, les promotions qu’ils doivent organiser, le mobilier et les produits qu’ils doivent acheter. Ils peuvent utiliser les logos et la réputation que les franchiseurs ont bâtis. En échange, ils paient des frais de franchise. Cela peut consister en des frais d’entrée et des frais mensuels calculés selon une certaine formule.
Afin de protéger les investissements des franchiseurs dans le développement de leur formule de franchise, il est important de prévoir dans le contrat de franchise des clauses garantissant que le franchisé n’abuse pas des informations mises à disposition.
Pour éviter que ces clauses ne restreignent pas trop la liberté du franchisé, le législateur est intervenu. Diverses restrictions à la liberté contractuelle ont été incorporées tant dans le droit européen de la concurrence que dans le droit national. Dans ce qui suit, nous nous concentrerons uniquement sur le droit européen de la concurrence.
Droit européen de la concurrence
Le droit européen de la concurrence a été transformé en Code de droit économique (WER) en Belgique. Selon l’interdiction des cartels énoncée à l’article IV.1, les accords interdits et nuls comprennent :
déterminer directement ou indirectement les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions contractuelles ; restreindre ou contrôler la production, les ventes, le développement technique ou les investissements ; ou diviser les marchés ou les sources d’approvisionnement.
Les caractéristiques et les conséquences d’un contrat de franchise garantissent qu’il tombe sous le coup de la principale disposition d’interdiction. Pensons par exemple aux clauses de non-concurrence, aux obligations d’achat exclusif, au partage du territoire du marché, aux accords sur les prix et aux accords sur les ventes en ligne.
Alors pourquoi voyons-nous si souvent le recours aux contrats de franchise ? Il y en a un sur l’interdiction des cartels Exemption par catégorie pour les accords verticaux (ci-après « Exemption globale »). Celui-ci contient une « sphère de sécurité » pour les accords verticaux entre entreprises, comme c’est le cas pour les accords de franchise.
Un contrat de franchise peut bénéficier de l’exemption par catégorie s’il remplit deux conditions :
premièrement, la part de marché du franchiseur et du franchisé ne doit pas dépasser 30 % du marché pertinent ; et deuxièmement, le contrat de franchise ne peut pas contenir de restrictions « caractérisées », qui sont généralement des restrictions visant à limiter la concurrence commerciale au sein de l’Union européenne.
Selon l’exemption par catégorie, les accords verticaux ne relèvent pas de l’exemption s’ils visent, seuls ou en combinaison avec d’autres facteurs, une ou plusieurs des restrictions caractérisées. Pour plus de précision, la Commission européenne a Des lignes directrices a été élaborée dont on peut déduire que les obligations contenues dans un contrat de franchise sont en principe considérées comme nécessaires pour protéger la formule de franchise.
Quelles sont les choses à faire et à ne pas faire lors de la rédaction d’un contrat de franchise à la lumière des obligations au titre de l’exemption par catégorie ?
Maintien vertical des prix
Les accords de franchise peuvent établir des accords sur le prix auquel les produits doivent être vendus ou les services doivent être fournis. Cela peut sérieusement affecter l’indépendance et la position concurrentielle du franchisé.
Selon les restrictions caractérisées, la fixation verticale des prix est interdite et le franchiseur ne peut en principe pas restreindre la capacité du franchisé à déterminer son prix de vente. Ce qui est autorisé, c’est d’imposer un prix de vente maximum ou de recommander un prix de vente. Toutefois, cela ne devrait pas avoir le même effet qu’un prix de vente fixe ou minimum résultant d’une pression ou d’une incitation.
Et les campagnes publicitaires ? Dans le cas d’une campagne promotionnelle, le franchiseur peut imposer un prix de vente fixe à condition que la promotion soit de courte durée (2 à 6 semaines). Si les produits concernés ne concernent que 5% de l’assortiment du franchisé, la promotion pourra durer 8 semaines maximum.
Exclusivité et sélectivité
Dans le contrat de franchise, le franchiseur peut accorder au franchisé un territoire exclusif ou une clientèle exclusive. Cela évite aux franchisés d’être en concurrence les uns avec les autres. En vertu des règles de concurrence, de telles clauses ne sont autorisées que dans un nombre limité de circonstances. Les clauses autorisées pertinentes en matière de franchise sont :
une interdiction de vente active à la clientèle réservée au franchiseur lui-même ou attribuée à 5 autres franchiseurs au maximum ; et enregistrer le lieu d’activité.
Le franchiseur peut également choisir de sélectionner ses franchisés sur la base de critères quantitatifs ou qualitatifs afin de créer un système sélectif.
Les critères quantitatifs limitent le nombre de franchisés, tandis que les critères qualitatifs imposent certaines exigences de qualité, comme exiger une formation spécifique. Ces méthodes de sélection peuvent être nécessaires pour protéger le modèle de franchise. Ici aussi, seul un nombre limité de clauses sont autorisées par le droit de la concurrence. Ce sont les mêmes que les règles concernant l’exclusivité.
Utilisation d’Internet
Le franchiseur ne peut pas empêcher le franchisé d’utiliser Internet pour vendre des biens ou des services sous contrat. Des restrictions peuvent être imposées sur les ventes en ligne ou la publicité en ligne.
Les restrictions sur la publicité en ligne ne doivent pas viser à interdire l’utilisation complète du canal publicitaire en ligne. Par exemple, le franchiseur peut exiger qu’un nombre minimum de produits soient vendus hors ligne ou qu’au moins un magasin physique soit exploité. Les exigences autorisées doivent viser à protéger la réputation ou la qualité de la formule de franchise.
Non-concurrence
Les accords de franchise contiennent souvent des clauses de non-concurrence, destinées à assurer la protection du savoir-faire. Une telle clause peut s’appliquer pendant la durée du contrat ou ultérieurement.
Toutefois, selon l’article 5 de l’exemption par catégorie, il est interdit d’inclure une clause de non-concurrence directe ou indirecte au cours d’un accord d’une durée indéterminée ou d’une durée supérieure à 5 ans. Un exemple de clause de non-concurrence indirecte est lorsque le franchisé est obligé d’effectuer plus de 80 % de ses achats totaux auprès du franchiseur ou d’une entreprise désignée par lui.
La durée maximale de 5 ans ne s’applique pas si le franchisé exploite son entreprise sur un terrain appartenant ou loué par le franchiseur. Dans ces cas, la durée de la clause de non-concurrence peut être assimilée à l’usage de l’espace ou du terrain.
Pour les obligations de non-concurrence après la fin de l’accord, l’exemption par catégorie fixe des conditions claires :
la clause doit porter sur des biens ou services qui sont en concurrence avec les biens ou services contractuels ; elle doit être limitée aux locaux de vente et aux locaux dans lesquels le franchisé a exercé son activité pendant la durée du contrat ; la clause est essentielle à la protection du savoir-faire ; et la durée de la clause de non-concurrence ne pourra excéder 1 an à compter de la fin du contrat de franchise. Sanction
Un contrat de franchise qui ne relève pas de l’exemption par catégorie en raison d’une violation des règles ci-dessus n’est pas nécessairement nul. Il est important d’évaluer spécifiquement si les accords conclus visent ou conduisent réellement à une restriction significative de la concurrence.
La Commission a dans un remarquez une « exception de minimis » établie pour certaines entreprises, dont la part de marché est si faible qu’elle ne constitue pas une restriction sensible de la concurrence au regard du droit de la concurrence. Cela s’applique lorsque :
le franchisé et le franchisé détiennent conjointement une part de marché ne dépassant pas 10 % s’ils sont des concurrents effectifs ou potentiels sur ce(s) marché(s) ; ou le franchisé ou le franchisé, chacun individuellement, n’excède pas 15% s’ils ne sont pas des concurrents réels ou potentiels sur ce(s) marché(s).
Il est également possible de prévoir une « clause de divisibilité » afin que la nullité d’une clause n’entraîne pas la nullité de l’ensemble du contrat.
Conclusion
Bien que ces réglementations ne s’appliquent pas à toutes les entreprises et contrats de franchise en raison de l’exception de minimis, elles fournissent des orientations précieuses pour leur rédaction.
En tant que franchisé, il est essentiel d’examiner en profondeur la manière dont les clauses du contrat de franchise peuvent affecter l’entreprise. Le maintien d’une position concurrentielle forte, tant vis-à-vis des autres franchisés que du franchiseur, joue un rôle décisif dans la réussite en tant qu’entrepreneur.
Source : Aternio