Auteurs : Ilse De Geyter et Inne Royackers (Forum Advocaten)
Au tournant de l’année, le livre 6 du nouveau Code civil est entré en vigueur. La législation concernant la responsabilité extracontractuelle des (sous-)traitants a donc considérablement évolué. Ces changements ont un impact à la fois sur le client et sur les (sous-)traitants. Qu’est-ce qui change exactement et à quoi faut-il prêter attention depuis le 1er janvier 2025 ?
Situation sous l’ancienne loi
L’ancien droit se caractérise par la quasi-immunité de l’agent exécutif et l’interdiction relative des cumuls. Ces chiffres juridiques ne rendaient pas trop favorable la position du client qui souhaitait récupérer les dommages causés par un sous-traitant auprès du sous-traitant ou de l’entrepreneur principal.
Dans une relation contractuelle dans laquelle le client A concluait un accord de construction avec l’entrepreneur principal B, qui à son tour faisait appel au sous-traitant C pour certains travaux, les possibilités de récupération de A étaient plutôt limitées si C avait causé un dommage à A pendant l’exécution des travaux.
Selon l’ancienne loi, A ne pouvait presque jamais s’adresser directement à C, étant donné les deux figures juridiques ci-dessus. Elle n’était évidemment pas en mesure de le faire de manière contractuelle, puisque A n’a aucune relation contractuelle avec C. Cependant, les options extracontractuelles étaient également très limitées, compte tenu de la quasi-immunité de l’agent exécutif. Il s’agissait d’une protection étendue pour le sous-traitant C, le client A ne pouvant tenir C directement (non contractuellement) responsable que si les trois conditions cumulatives suivantes étaient remplies :
La faute de C ne constituait pas une violation du contrat (par exemple une infraction pénale) ; L’erreur a violé l’obligation générale de diligence ; Les dommages étaient différents de ceux dus à une mauvaise exécution du contrat.
Dans tous les autres cas, A ne pouvait intenter une action contractuelle contre B que dans la mesure où une clause d’exonération ne l’empêchait pas de le faire. L’interdiction relative de la concurrence a donné la priorité au régime de la responsabilité contractuelle. Par conséquent, A n’avait pas le choix de fonder sa réclamation sur un motif de responsabilité extracontractuelle.
Situation depuis le 1/1/2025
Suppression de la quasi-immunité de l’agent exécutif et interdiction relative du hasard
Le livre 6 du nouveau Code civil abolit la quasi-immunité de l’agent exécutif et l’interdiction relative du hasard. Les nouvelles règles, énoncées à l’article 6.3, offrent plus de flexibilité pour les réclamations non contractuelles, à condition que les conditions de responsabilité non contractuelle soient remplies. Ces règles constituent un droit complémentaire, ce qui signifie que les parties peuvent les adapter ou les exclure contractuellement.
Ainsi, en vertu du droit actuel, le client A a le choix d’exercer une action contractuelle ou non contractuelle contre l’entrepreneur principal B, ou une action extracontractuelle contre le sous-traitant C, à condition que la rupture du contrat et le dommage soient prouvés.
Si le sous-traitant C est directement poursuivi par A, il pourra invoquer les mêmes moyens de défense que ceux dont dispose l’entrepreneur principal B dans le cadre du contrat de construction. Il n’était pas dans l’intention du législateur de pouvoir tenir C pour responsable, alors que B ne peut être tenu responsable compte tenu de certaines clauses d’exonération. En outre, C peut également tirer des défenses de sa propre relation contractuelle avec l’entrepreneur principal B. En conséquence, il ne sera pas obligé de faire plus envers A que ce qu’il est obligé envers B.
Bien que l’article 6.3 du Nouveau Code Civil soit de droit complémentaire, on ne peut légalement s’exonérer de sa faute intentionnelle et des fautes portant atteinte à l’intégrité physique ou psychique de A.
Ces changements renforcent considérablement la position du client. La possibilité de déposer une réclamation directement contre un sous-traitant offre plus de flexibilité et donne au client plus d’options de recouvrement.
Implications contractuelles
En raison de la suppression de la quasi-immunité de l’agent exécutif et de l’interdiction relative du concours, il faut redoubler de vigilance lors de la conclusion des contrats. En tant qu’entrepreneur principal, vous devez savoir qu’un client peut généralement intenter une action à votre encontre à la fois contractuelle et non contractuelle, à condition que les conditions soient remplies. Il peut donc être judicieux de prévoir une interdiction conventionnelle des rassemblements. De cette manière, une réclamation non contractuelle est toujours exclue et un constructeur ne peut vous tenir responsable que de manière contractuelle.
En tant que sous-traitant, vous devez être conscient, lors de la conclusion d’un contrat, que vous prévoyez des motifs d’exclusion contractuelle qui vous protègent de manière adéquate en cas de réclamation directe d’un constructeur. Les clauses conventionnelles d’exonération entre donneur d’ordre et sous-traitant peuvent également être évoquées entre sous-traitant et client.
L’entrée en vigueur du Livre 6 nécessite donc une révision de vos conditions contractuelles. Évaluez soigneusement les clauses d’exonération dont vous disposez déjà et si elles offrent une protection adéquate.
Source : Forum des avocats