Human Rights Watch a exprimé ses inquiétudes lundi concernant une ordonnance promulguée par le général militaire nigérien Abdourahamane Tiani. L’ordonnance autorise la création d’une base de données contenant des informations sur les individus, groupes et entités soupçonnés d’être impliqués dans des activités terroristes, ce qui, selon le groupe, viole les obligations du pays en vertu de la Convention des Nations Unies sur la réduction des cas d’apatridie.
Dans un communiqué de presse, HRW a demandé la suspension d’une ordonnance du 27 août 2024, qui vise à recueillir des informations sur des individus, des groupes organisés et des entités liés à des activités terroristes. Le gouvernement militaire, le Conseil national pour le salut de la patrie (CNSP), entend utiliser cette mesure pour répondre aux menaces à la sécurité nationale, tant au niveau judiciaire qu’administratif. Les individus et les groupes touchés font face à des conséquences immédiates, telles que des interdictions de voyager au niveau national et international, le gel des avoirs et la révocation de la citoyenneté nigérienne. La révocation de la nationalité est particulièrement préoccupante, car le communiqué de presse cite l’engagement du Niger envers la Convention des Nations Unies sur la réduction des cas d’apatridie, qui interdit la déchéance de la citoyenneté si cela entraîne l’apatridie.
Ilaria Allegrozzi, chercheuse principale à HRW, a critiqué l’ordonnance car elle permet à des individus d’être « étiquetés comme terroristes présumés sur la base de critères vagues et sans preuves crédibles ». HRW a fait part de ses préoccupations au CNSP au début du mois, demandant des éclaircissements sur la conformité de l’ordonnance avec les normes relatives aux droits de l’homme. L’ampleur de la base de données est troublante, car elle pourrait inclure des personnes pour des raisons sans rapport avec le terrorisme. L’ordonnance englobe les activités liées à la paix, à l’ordre et à la sécurité publics, qui, selon HRW, pourraient conduire à des restrictions illégales des droits à la liberté d’expression et d’association. En outre, HRW a souligné l’absence de mécanismes clairs pour contester leur inclusion dans la base de données, avertissant que cela pourrait provoquer « de l’humiliation, de la peur et de l’incertitude ».
Le ministre nigérien de la Justice et des Droits de l’Homme, Alio Daouda, a défendu cette ordonnance, affirmant qu’elle « fait partie d’un cadre juridique solide, tant au niveau national qu’international ». Il a fait référence au Code pénal nigérian et à la résolution 1373 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée après les attentats du 11 septembre aux États-Unis, qui obligent les États membres à mettre en œuvre leurs lois nationales pour lutter contre le terrorisme.
Malgré la défense de DaoudaHRW reste préoccupé par la conformité de l’ordonnance avec les normes internationales en matière de droits de l’homme. La situation des droits humains dans le pays a attiré l’attention internationale à la suite du coup d’État militaire de juillet 2023, qui a conduit au renversement et à la détention arbitraire du président élu Mohamed Bazoum, ainsi qu’à la création du CNSP. Depuis le coup d’État, Amnesty International a dénoncé des violations des droits humains, notamment des détentions politiques, des homicides illégaux et des violences sexuelles. Le Département d’État américain a également documenté dans son rapport sur les droits de l’homme 2023 d’autres préoccupations concernant l’indépendance judiciaire et le recrutement illégal d’enfants soldats.