Auteur : Ilse De Geyter (Forum des avocats)
Le nouveau Livre VI a été approuvé le 1er février 2024. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2025. Quelles sont les conséquences de son entrée en vigueur sur le droit de la construction et à quoi faut-il être attentif dès maintenant ?
Situation sous l’ancienne loi
Dans le droit actuel, il existe la notion de quasi-immunité de l’agent exécutif et l’interdiction relative de la cooccurrence. Ces chiffres déterminent les possibilités de recouvrement du maître d’ouvrage/constructeur à l’égard de son entrepreneur et de son sous-traitant en cas de survenance d’un dommage causé par une personne auxiliaire.
Prenons, par exemple, la situation dans laquelle A, le client, conclut un contrat de construction avec B pour l’exécution de travaux. Pour l’exécution de ces travaux, B fait appel en partie à son sous-traitant C. C est qualifié d’auxiliaire ou d’agent d’exécution. Au cours de son travail, il cause des dommages à A. A peut-il alors récupérer ses dommages auprès de C ? Sous l’ancienne loi, la réponse est non, sauf cas exceptionnels. Il n’existe pas de relation contractuelle entre A et C, A ne peut donc pas se prévaloir de la responsabilité contractuelle de C. Compte tenu de la quasi-immunité de l’agent exécutif C, AC ne peut pas non plus intenter une action extracontractuelle en réparation de son préjudice. A n’aura un droit d’action direct contre son contractant principal B que dans la mesure où une clause d’exonération ne le limite ni ne l’exclut. Cela ne peut se faire que sur la base de la relation contractuelle. Une réclamation extracontractuelle entre A et B n’est pas possible, compte tenu de l’interdiction relative de concurrence. En vertu du droit applicable, A ne bénéficie donc pas d’une position favorable en cas de dommage causé par un sous-traitant de B. Ses options de recouvrement sont très limitées.
Modifications de la nouvelle loi
Dans le nouveau Livre VI, la figure de la quasi-immunité de l’agent exécutif et l’interdiction relative du hasard sont supprimées. Les recours non contractuels à l’égard des auxiliaires ou des agents d’exécution sont réglementés à l’article 6.3 du Nouveau Code Civil. Toutefois, cette disposition est de droit complémentaire. Cela signifie que les parties peuvent limiter ou exclure contractuellement la responsabilité extracontractuelle du (sous-)traitant. Selon la nouvelle loi, le client bénéficie donc d’une meilleure position.
En effet, il a le droit de choisir que, si un dommage survient à la suite d’une erreur du sous-traitant C, il peut soit s’adresser contractuellement à B pour obtenir réparation de ce dommage, soit s’adresser au sous-traitant C pour cela de manière extracontractuelle, s’il fournit la preuve que les conditions de sa responsabilité extracontractuelle sont remplies. Il s’agit d’une avancée significative dans la position du client A en droit de la construction, car il peut désormais également tenir C directement responsable et peut intenter une action contre B tant de manière contractuelle qu’extracontractuelle. Les moyens de défense que le sous-traitant C pourra utiliser face à une contestation du client A sont les mêmes que ceux que l’entrepreneur principal B pourrait utiliser contre le client A sur la base de son contrat de construction principal. Les clauses d’exonération incluses dans les présentes peuvent donc être invoquées par le sous-traitant C contre A. De plus, C peut également utiliser les moyens de défense qui s’appliquent dans la relation contractuelle entre C et l’entrepreneur principal B. Par exemple, si C est un employé de B, il sera peut invoquer l’article 18 de la loi sur les contrats de travail, qui limite sa responsabilité à une faute mineure, grave et intentionnelle répétée. Toutefois, C ne pourra jamais s’exonérer valablement de sa propre faute intentionnelle ou de l’atteinte portée à l’intégrité physique ou psychique de A.
Soyez vigilant lors de la rédaction d’un nouveau contrat de (sous-)traitance !
Le nouveau Livre VI entre en vigueur le 1er janvier 2025. Il convient cependant déjà d’être vigilant lors de la conclusion d’un nouveau contrat de (sous-)traitance, car les nouvelles règles s’appliqueront également aux contrats de construction existants et pas seulement aux nouveaux. Toutefois, les nouvelles règles de responsabilité ne s’appliqueront qu’aux cas de dommages survenant à partir du 1er janvier 2025. Il est donc utile d’être désormais très prudent lorsque vous concluez un nouveau contrat principal ou un contrat avec une personne auxiliaire. Il peut être utile de réfléchir à la clause à inclure concernant la responsabilité extracontractuelle. Les nouvelles dispositions étant du droit complémentaire, elles peuvent être modulées.
Par exemple, il peut être opportun dans l’accord principal entre le client et l’entrepreneur principal de stipuler une interdiction conventionnelle de cooccurrence. De cette façon, vous excluez la réclamation non contractuelle de A contre B et A n’aura qu’une réclamation contractuelle contre B.
En outre, l’accord de sous-traitance entre l’entrepreneur principal et le sous-traitant doit être examiné pour déterminer si des dispositions suffisantes pour limiter la responsabilité sont prévues. Ceci est important car le sous-traitant C peut invoquer les moyens de défense prévus par cette relation contractuelle en cas de réclamation contre A.
Source : Forum des avocats