La Gendarmerie royale du Canada a annoncé samedi l’arrestation et la poursuite en justice de Kimberly Polman, qui aurait voyagé en Syrie et rejoint l’EI en 2015. Polman comparaîtra devant le tribunal provincial de Vancouver le 2 août.
Polman a été accusé de deux chefs d’accusation liés au terrorisme : avoir quitté le Canada pour participer à une activité d’un groupe terroriste et avoir participé à une activité d’un groupe terroriste, en contravention des articles 83.181 et 83.18 du Code criminel respectivement. Les deux infractions sont passibles d’une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement en cas de condamnation.
L’ancien avocat de Polman, Lawrence Greenspon, s’est dit surpris par les accusations, affirmant que Polman a respecté à la lettre les conditions qui lui ont été imposées par l’engagement de ne pas troubler l’ordre public émis par le tribunal et qu’elle a bénéficié de conseils pour se réintégrer au mode de vie canadien. Un engagement de ne pas troubler l’ordre public est une ordonnance de protection émise par le tribunal contre une personne qui semble susceptible de commettre une infraction criminelle sans motif raisonnable de croire qu’une infraction a effectivement été commise. L’engagement de ne pas troubler l’ordre public de Polman exigeait que Polman se présente régulièrement à un agent de libération conditionnelle, porte un équipement de surveillance électronique, en plus d’une interdiction de conduire et de quitter la province.
Polman n’était pas la seule personne rapatriée au Canada en octobre 2022. Une autre personne rapatriée, Oumaima Chouay, a rapidement été accusée de « fourniture, mise à disposition, etc. de biens ou de services à des fins terroristes » et de complot en vue de quitter le Canada pour participer à une activité d’un groupe terroriste, en plus des deux infractions auxquelles Polman fait actuellement face. Greenspon avait alors estimé qu’en ne portant pas plainte contre Polman, la police « n’avait pas le même type de preuves contre Polman que contre Chouay ».
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a déclaré que le gouvernement était déterminé à tenir responsables les personnes qui soutiennent le terrorisme, lorsqu’il a été interrogé sur la position du gouvernement peu de temps après le rapatriement de Polman.
Polman aurait quitté le Canada pour se rendre en Syrie en 2015 afin de rejoindre l’EI. En mars 2019, une coalition internationale dirigée par les États-Unis a réussi à prendre le contrôle du dernier bastion du territoire autoproclamé de l’EI. Depuis lors, les groupes de défense des droits de l’homme considèrent que les étrangers qui y vivent sont détenus arbitrairement dans le nord-est de la Syrie, et leur droit de vérifier la légalité de leur détention leur est refusé.
En particulier, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme a exprimé des inquiétudes quant aux conditions de détention désastreuses de Polman en Syrie. Dans sa lettre adressée au gouvernement canadien en 2021, le rapporteur spécial a souligné que le gouvernement avait l’obligation juridique internationale de faciliter le retour de Polman afin de mettre fin à sa « détention arbitraire indéfinie » et de la protéger, ainsi que d’autres détenus canadiens, du risque de graves violations des droits de l’homme. Ces violations potentielles des droits de l’homme comprenaient l’incapacité à garantir le droit des prisonniers à des services de santé adéquats dans le contexte de la COVID-19, l’incapacité à prévenir la traite des êtres humains et l’incapacité à protéger le droit à l’alimentation et à la santé en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Human Rights Watch (HRW) a également condamné le Canada pour n’avoir fait aucun effort consulaire pour établir un contact direct avec les détenus, et encore moins pour améliorer leurs conditions de détention. HRW estime que l’inaction du gouvernement constitue un manquement à ses obligations juridiques internationales en vertu de la Convention contre la torture.
Le Canada a refusé de rapatrier Polman en envoyant des diplomates en Syrie début février, invoquant des inquiétudes concernant les risques pour la sécurité et la sûreté de ses diplomates. Cependant, le Canada a également rejeté l’offre de l’ancien ambassadeur américain Peter Galbraith de ramener Polman en février 2022. À l’époque, Galbraith avait déclaré :
La position du Canada semble être la suivante : il est trop dangereux d’envoyer nos diplomates en Syrie pour aider les citoyens canadiens détenus dans ce pays, mais nous fournirons des services consulaires à tout Canadien qui se rendra dans une mission diplomatique canadienne. Cependant, le Canada ne permettra pas non plus à un Canadien détenu en Syrie de se rendre dans une mission diplomatique canadienne.