Le Chili a déposé vendredi une déclaration d’intervention dans le procès pour génocide intenté par l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ). Le pays sud-américain a soumis sa déclaration en vertu de l’article 63 du Statut de la CIJ, qui donne aux États le droit d’intervenir dans l’interprétation d’une convention multilatérale. L’intervention du Chili met en lumière plusieurs questions clés, notamment le devoir de prévenir et de punir le génocide en vertu de la Convention sur le génocide.
Premièrement, le Chili conteste l’argument d’Israël selon lequel la CIJ n’a pas compétence sur Gaza, arguant qu’un différend existe lorsque « deux parties ont des points de vue clairement opposés sur certaines obligations internationales ». Il soutient également que le caractère erga omnes partes de la Convention permet à tout État partie de tenir un autre État partie responsable des violations, ce qui rend sans objet l’argument d’Israël concernant l’absence d’interaction bilatérale avec l’Afrique du Sud.
Le Chili affirme également, comme l’a également soutenu la récente opinion consultative de la CIJ sur l’occupation de la Palestine, que les Palestiniens sont un groupe protégé par la Convention et que l’intention génocidaire implique l’objectif spécifique de détruire physiquement ou biologiquement un tel groupe.
En ce qui concerne le devoir de prévenir le génocide, le Chili soutient que l’article I impose à Israël une obligation de diligence raisonnable pour prévenir le génocide et qu’Israël devrait être tenu responsable s’il ne prend pas de mesures efficaces, indépendamment du fait qu’un génocide ait eu lieu ou non. Le Chili a également déclaré qu’Israël doit être conscient du risque grave qu’un acte de génocide puisse être commis en raison des mesures conservatoires ordonnées par la CIJ.
En ce qui concerne le devoir d’Israël de punir le génocide, le Chili soutient que ce devoir s’étend au détenteur temporaire des territoires occupés. Affirmer le contraire irait à l’encontre de l’objectif de la Convention et dispenserait Israël de s’acquitter de ses obligations en tant que puissance occupante de Gaza, au titre de la quatrième Convention de Genève.
Enfin, le Chili demande à la CIJ d’évaluer si les appels publics lancés par plusieurs autorités israéliennes constituent une incitation directe (un appel à l’action pénale) et publique. Le Chili a notamment souligné l’utilisation d’un langage déshumanisant par les responsables israéliens et l’importance d’évaluer ces propos dans le contexte culturel. Le fait de ne pas punir tous les individus responsables d’incitation directe et publique à commettre le génocide constitue une violation des obligations de l’État en vertu de la Convention.
Après que le Chili a déposé sa déclaration, la CIJ a invité l’Afrique du Sud et Israël à soumettre des observations sur la déclaration du Chili.
L’Afrique du Sud a engagé une procédure en décembre 2023, accusant Israël d’avoir violé la Convention sur le génocide lors d’opérations militaires à Gaza. Depuis lors, la CIJ a émis plusieurs mesures provisoires ordonnant à Israël d’empêcher un génocide dans la bande de Gaza.
Plusieurs pays, dont le Nicaragua, la Colombie, la Libye, le Mexique, la Palestine, l’Espagne et la Turquie, ont déjà déposé leur déclaration d’intervention. L’Égypte a également annoncé son intention d’intervenir en mai 2024. L’intervention du Chili renforce le contrôle international et l’interprétation juridique des dispositions de la Convention.