Le Congrès péruvien a approuvé jeudi lors du deuxième vote un projet de loi qui introduit un délai de prescription pour les crimes contre l’humanité, malgré l’opposition des organisations de défense des droits de l’homme en raison de son éventuelle interruption des enquêtes en cours sur de graves abus.
Le projet de loi 6951 propose de préciser l’application et la portée du crime contre l’humanité et des crimes de guerre dans la législation péruvienne, en établissant que personne ne peut être poursuivi, condamné ou puni pour des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre commis avant le 1er juillet 2002. Ainsi, des cas emblématiques de la période de violence interne au Pérou entre 1980 et 2000, qui attendaient encore une réponse judiciaire définitive, pourraient être clos. Cela pourrait bénéficier à des personnalités politiques telles que L’ancien président Alberto Fujimori, condamné pour violations des droits de l’homme suite à la répression brutale qu’il avait lancée pendant le mouvement du Sentier lumineux. Il a notamment été accusé d’avoir tué six paysans lors des conflits entre les militaires et le pouvoir du Sentier lumineux en 1992.
Le projet de loi a été promu par le parti Force Populaire (FP) dirigé par Keiko Fujimori, fille de Alberto FujimoriLe projet de loi avait été approuvé par la Commission constitutionnelle du Congrès péruvien le 12 mars et soumis au débat en séance plénière. En juin, le projet de loi avait été adopté lors du premier vote avec 60 voix pour, 36 contre et 11 abstentions. Lors du deuxième vote, qui a eu lieu jeudi, la plénière a adopté le projet de loi avec 15 voix pour et 12 contre.
Le projet de loi a fait face à une opposition interne et externe depuis son introduction. En février,L’Institut de la démocratie et des droits de l’homme de l’Université pontificale catholique du Pérou (IDEHPUCP) déclaré que cette tentative législative, entre autres, reflète « une tendance inquiétante à rechercher des mécanismes qui favorisent l’impunité face à de graves violations des droits de l’homme » et qu’« il est essentiel d’insister sur les engagements internationaux de l’État péruvien en matière de droits de l’homme ».
En juin, après le premier vote en faveur de l’adoption du projet de loi, un groupe d’experts de l’ONU a averti que le projet de loi proposé contrevient aux normes internationales tandis que « Les délais de prescription ne peuvent s’appliquer aux violations flagrantes du droit international des droits de l’homme et aux violations graves du droit international humanitaire qui constituent des crimes au regard du droit international », ont-ils déclaré. Le 13 juin, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a ordonné à l’État péruvien de suspendre ce processus législatif, estimant que les exemptions proposées sont « contraires à la Convention américaine relative aux droits de l’homme (CADH) dans les cas de violations graves des droits de l’homme », tandis que le Premier ministre péruvien Gustavo Adrianzen l’a qualifiée d’ingérence inhabituelle.
Le projet de loi devra ensuite être signé par la présidente du Pérou, Dina Boluarte, avant d’être mis en application. La présidente peut s’y opposer si elle le considère contraire à la Constitution ou aux traités internationaux ratifiés par l’État péruvien.