Auteurs: Kris Lemmens, Sophie Bleux en Lauren Weemans (Schoups)
Le Conseil d’État confirme dans son arrêt n° 258.496 du 18 janvier 2024 que lorsqu’un pouvoir adjudicateur décide dans une procédure de concours par négociation de limiter le nombre d’offres admises à la négociation, il reste soumis à un certain nombre de principes (juridiques). Par exemple, le nombre d’offres obtenues doit encore pouvoir garantir une concurrence effective dans la phase finale et l’égalité entre les soumissionnaires ne doit pas être affectée, à condition bien sûr qu’il y ait encore suffisamment d’offres.
En outre, le Conseil s’interroge sur la légalité du système d’enchérissement préférentiel.
Dans le cadre d’une procédure concurrentielle avec négociation, le pouvoir adjudicateur a invité trois entreprises sélectionnées à présenter une première offre. Après avoir reçu les devis, elle a immédiatement désigné un soumissionnaire privilégié. Les autres inscrits ont été placés dans la « salle d’attente ». Au final, 11 cycles de négociations ont été menés avec le soumissionnaire préféré avant que celui-ci ne soumette son offre finale (Best And Final Offer/BAFO). Le contrat a ensuite été attribué au soumissionnaire préféré.
Le Conseil d’État suspend la décision d’attribution et estime qu’il y a violation des articles 38, §7 et 80 de la loi sur les marchés publics et des principes de concurrence et d’égalité. Le cadre juridique susmentionné stipule que le pouvoir adjudicateur doit veiller à ce qu’une concurrence effective soit garantie et à ce que l’égalité entre les soumissionnaires ne soit pas affectée. Dans le cadre d’une procédure négociée conformément à l’art. 38, §5 de la loi sur les marchés publics peut être attribué sur la base des offres initiales, sans négociations, à condition que cette possibilité ait été prévue dans l’annonce. Si le pouvoir adjudicateur souhaite négocier avec un seul soumissionnaire, il doit y avoir une justification objective basée sur les critères d’attribution. Cette justification doit au moins ressortir de l’évaluation concrète des premières citations.
Dans ce cas, le Conseil a jugé que cette justification n’était pas présente, car l’offre du deuxième soumissionnaire était correcte et la différence de points dans le classement provisoire pouvait être comblée. La différence n’était que de deux points. Dans ces circonstances, le pouvoir adjudicateur n’était pas autorisé à décider de poursuivre les négociations uniquement avec le soumissionnaire préféré et de demander uniquement un BAFO à ce soumissionnaire. Une telle conduite est contraire à l’art. 80 Loi sur les marchés publics. Le nombre d’offres dans la phase finale de la procédure de négociation doit, en principe, toujours garantir une concurrence effective.
Si les procédures de négociation se caractérisent par une plus grande (plus) flexibilité et liberté d’appréciation, elles ne sont pas illimitées. Outre le fait que les exigences minimales ou les critères d’attribution ne peuvent pas être négociés, la concurrence ainsi que le principe d’égalité et de transparence doivent également être garantis.
Pour la première fois, le Conseil d’État a également remis en question la légalité du système d’enchérissement préférentiel. Il ne s’est néanmoins pas prononcé sur ce point car il ne s’agit pas d’une procédure de suspension en cas d’extrême urgence. Par souci d’exhaustivité, notons que la notion d’enchérisseur privilégié n’apparaît ni dans la loi sur les marchés publics, ni dans l’arrêté royal de placement, ni dans la loi sur la protection juridique.
Mais à quoi devez-vous faire attention en tant qu’entreprise lorsque vous vous inscrivez à une procédure négociée ?
Il est important de vérifier dans le cahier des charges quelles sont les règles que le pouvoir adjudicateur lui-même a fixées. Il est préférable de poser les questions suivantes :
Existe-t-il une possibilité d’attribution sans négociation ? La possibilité a-t-elle été prévue pour que les négociations se déroulent en phases successives, de sorte que le nombre d’offres à négocier soit limité par l’application des critères d’attribution ?
Après tout, ce sont ces spécifications qui déterminent si votre meilleure offre doit être formulée immédiatement. Après tout, il est possible qu’aucune négociation n’ait lieu et que vous ne puissiez pas soumettre une offre optimisée. Tout cela, toutefois, à condition que le cahier des charges contienne ces règles et qu’il y ait encore suffisamment d’offres disponibles dans la phase finale pour garantir la concurrence. En cas d’écart de points très limité dans le classement provisoire, il ne sera donc pas évident pour un pouvoir adjudicateur de poursuivre les négociations avec un seul soumissionnaire.
Source : Schoups