Les développements récents ont mis en évidence une préoccupation stratégique croissante pour l’Inde alors que la Chine a déployé son Chengdu J-20, un chasseur furtif bimoteur de cinquième génération, en Shigatsé, une base aérienne stratégique au Tibet située à proximité immédiate du secteur oriental de la ligne de contrôle actuel (LAC), frontière de facto et très contestée entre la Chine et l’Inde. Ce chasseur furtif de supériorité aérienne, conçu avec des capacités de frappe de précision, représente une avancée significative dans la Force aérienne de l’Armée populaire de libération (PLAAF). Avec la présence croissante du J-20 à proximité de la LAC, l’Inde est confrontée à une nouvelle série de défis qui nécessitent une réévaluation complète de ses capacités de défense aérienne et de sa planification stratégique.
L’essor du J-20 : la puissance furtive de la Chine
Le programme J-20 a progressé à un rythme impressionnant depuis son lancement, aboutissant à la production d’environ 250 avions, dont plus de 200 sont actuellement en service actif. La série J-20 comprend trois variantes principales : le modèle de production initial J-20, le J-20A à poussée vectorielle et le J-20S biplace. Les deux derniers rester en développementmême si le J-20A pourrait bientôt entrer dans la première phase de production.
Les cadences de production sont passées de 30 à 100 avions par an, et des estimations prudentes suggèrent que la flotte de J-20 de la PLAAF pourrait dépasser les 800 avions d’ici 2030. Cela dépasserait potentiellement l’ensemble de la flotte d’avions de combat de l’Indian Air Force (IAF), ce qui poserait un défi stratégique important.
Les implications d’une telle évolution sont profondes. Les capacités de furtivité et de supériorité aérienne de pointe du J-20 confèrent à la Chine un formidable avantage dans tout conflit aérien. D’ici 2030, les escadrons de J-20 pourraient à eux seuls compter entre 40 et 44, sans compter les autres avions modernes de la PLAAF, comme le J-16 et les chasseurs J-7, plus anciens mais nombreux. Cette expansion rapide des capacités aériennes de la Chine souligne le besoin urgent pour l’Inde de renforcer sa propre force aérienne.
Le défi sur deux fronts : la quête par le Pakistan de combattants de cinquième génération
Le déploiement chinois du J-20 au Tibet (base aérienne de Shigatse) et au Xinjiang (base aérienne de Hotan) représente une manœuvre stratégique pour affirmer sa domination dans l’Himalaya. Cependant, il est crucial de reconnaître qu’il est peu probable que la Chine stationne l’intégralité de sa flotte de J-20 le long de la LAC. Une part importante des efforts de défense de la Chine restent axés sur Taïwan et sur la lutte contre la présence américaine dans le Pacifique et en mer de Chine méridionale. Néanmoins, même une fraction de la flotte de J-20 constitue un défi de taille pour l’IAF, en particulier compte tenu du scénario sur deux fronts impliquant la Chine et le Pakistan.
En effet, le dilemme stratégique de l’Inde est aggravé par la quête par le Pakistan de capacités de chasseurs de cinquième génération. Le Pakistan a montré intérêt pour le KAAN turc et le Shenyang FC-31 chinois, similaire au Lockheed F-35 des États-Unis. L’éventuelle acquisition de l’un ou l’autre de ces chasseurs furtifs par le Pakistan compliquerait encore davantage le calcul de la sécurité de l’Inde, nécessitant une réponse ferme et immédiate de l’IAF. Ce défi sur deux fronts, impliquant des conflits potentiels avec la Chine et le Pakistan, exige que l’Inde maintienne une force aérienne hautement compétente et polyvalente, suffisamment armée pour dissuader toute mésaventure de l’ennemi.
L’armée de l’air indienne : capacités et défis actuels
Contrairement aux progrès de la Chine, l’armée de l’air indienne a du mal à maintenir 30 escadrons d’avions de combat, bien en deçà de son effectif autorisé de 42 escadrons (un seul escadron comprend généralement 16 à 18 avions). La flotte de l’IAF comprend un mélange de chasseurs vieillissants de troisième et quatrième génération, dont le Mirage-2000 et le MiG-29UPG, qui sont approchent de la fin de leur durée de vie opérationnelle. De plus, le retrait des anciens MiG-21 aggrave encore cette situation, réduisant le nombre d’avions de combat disponibles pour l’IAF plus rapidement qu’ils ne sont incorporés.
Les efforts de l’Inde, principalement par l’intermédiaire de l’Hindustan Aeronautics Limited (HAL) et de l’Organisation de recherche et de développement pour la défense (DRDO), ont donné naissance au Tejas Light Combat Aircraft (LCA). Bien que le Tejas constitue une étape importante vers l’autonomie, sa classification comme avion de combat léger limite sa capacité à remplacer efficacement les avions de combat moyens comme les Mirage-2000 et les MiG-29. Le besoin en avions de combat moyens et lourds reste pressant.
Pour résoudre ce problème, l’Inde a prévu le Tejas Mark II, qui devrait entrer en production d’ici 2028-29, et l’ambitieux projet d’avion de combat multi-rôle moyen (MMRCA) pour la production conjointe de 112 avions de combat avec la coopération d’un organisme international. fournisseur. Cependant, l’accord MMRCA n’a connu que peu ou pas de progrès au cours de la dernière décennie, entravés par des retards bureaucratiques, des révisions successives et des facteurs politiques. Certains disent que l’intronisation instantanée par l’Inde de deux escadrons d’avions Rafale de 4,5 génération de Dassault a considérablement compromis la nécessité du projet MMRCA.
Le défi immédiat de la défense de l’Inde réside dans le nombre décroissant d’escadrons de chasse au sein de l’IAF. Cette préoccupation a été partiellement résolue par le ministère de la Défense à travers des accords successifs portant sur un total de 220 chasseurs LCA Tejas Mark I et Mark IA. Bien que ces avions de combat légers (LCA) constituent un ajout positif, ils ne suffisent pas à remplacer les chasseurs de combat moyens qui prennent leur retraite, tels que le Mirage 2000 et le MiG-29. Pour combler efficacement cet écart, l’Inde doit accélérer la production et l’intronisation du Tejas Mark II et de l’Omni-Role Combat Aircraft (ORCA), qui est la version de l’Air Force du Twin Engine Deck Based Fighter (TEDBF) de la Marine. De plus, il est crucial de relancer le projet MMRCA ou d’explorer d’autres options d’approvisionnement accéléré auprès de partenaires mondiaux.
Contre-mesures potentielles : la stratégie de réponse de l’Inde
À court et moyen terme, la meilleure contre-attaque de l’Inde contre le J-20 pourrait résider dans ses systèmes de missiles sol-air (SAM) S-400 Triumf. Cependant, l’efficacité du S-400 pourrait être compromise par la familiarité de la Chine avec le système, étant donné que l’APL a elle-même acquis le S-400 auprès de la Russie. Il est alarmant de constater que l’objectif principal de l’arme furtive d’une force aérienne est de neutraliser les moyens anti-aériens de l’adversaire afin d’établir sa supériorité aérienne. De plus, la récente dévastation de diverses batteries de S-400 en Russie par l’offensive de missiles ukrainienne montre les limites même des systèmes SAM avancés comme le S-400 Triumf. Cela souligne la nécessité pour l’Inde d’accélérer ses programmes de chasseurs de cinquième génération et de moderniser sa flotte existante sur le pied de guerre.
Ainsi, l’Advanced Medium Combat Aircraft (AMCA), un chasseur de cinquième génération en cours de développement avec le consortium HAL-DRDO, est prometteur pour la future défense aérienne de l’Inde. Si l’AMCA peut être testé et mis en production d’ici 2030-32, il apporterait un coup de pouce indispensable aux capacités de l’IAF. Cependant, d’ici là, l’Inde est confrontée à une période considérable sans avion furtif de cinquième génération, pendant laquelle elle doit s’appuyer sur ses atouts existants et sur des mesures provisoires.
L’urgence de moderniser la flotte de l’IAF a été soulignée à la suite de la frappe aérienne de Balakot en 2019. À la suite de l’opération, un MiG-21 a été abattu par l’armée de l’air pakistanaise au Cachemire sous administration pakistanaise. Cet incident a souligné la vulnérabilité du déploiement d’avions d’époque dans des environnements à enjeux élevés. En réponse, le gouvernement indien a accéléré l’arrivée de 36 avions Rafale en provenance de France grâce à un accord de gouvernement à gouvernement. Cet achat, bien que coûteux, a considérablement renforcé les capacités de l’IAF.
Défis liés à l’accord MMRCA
Le Rafale a depuis été considéré comme un favori pour l’accord MMRCA. Cependant, plusieurs facteurs compliquent cette potentielle acquisition. La demande mondiale d’avions Rafale et leur coût élevé posent des défis importants. Par exemple, l’implantation de nouvelles installations de production en Inde serait nécessaire en raison de la surcapacité des principales usines de Dassault Aviation en France.
De plus, les négociations concernant 26 Rafale destinés au porte-avions de classe Vikrant de la marine indienne ont révélé un coût stupéfiant. coût d’environ 6 milliards de dollars, ce qui représente environ 230 millions de dollars par avion. Ce coût est comparable à celui des F-22 Raptors américains de cinquième génération, ce qui démontre la charge financière extrêmement élevée liée à l’achat de Rafale.
Compte tenu des obstacles liés à l’accord MMRCA, l’Inde pourrait envisager d’acquérir rapidement des avions furtifs, les F-35 américains et les Su-57 russes étant des candidats potentiels. Cependant, chaque option présente des défis uniques. Le F-35 est un chasseur furtif de cinquième génération à la pointe de la technologie, doté d’une avionique avancée, de fusion de capteurs et de capacités réseaucentriques. Il offre des améliorations significatives en termes de capacité de survie, de connaissance de la situation et de létalité.
Un obstacle majeur est le problème de compatibilité avec le système de défense aérienne indien S-400 Triumf. Les États-Unis craignent que l’exploitation du S-400 aux côtés du F-35 puisse compromettre les caractéristiques furtives de l’avion en fournissant des renseignements précieux sur sa signature radar. En outre, l’Inde s’inquiète d’une dépendance excessive à l’égard des États-Unis pour ses ressources militaires critiques, en raison de la possibilité que sa dépendance en matière de défense soit utilisée comme levier stratégique.
Le Su-57, quant à lui, est la réponse de la Russie aux besoins des chasseurs de cinquième génération, doté d’une technologie furtive (bien que médiocre), d’un supercruise, d’une avionique avancée et de la capacité d’engager des cibles aériennes et terrestres. Les principales préoccupations concernant le Su-57 concernent la fiabilité de son moteur et sa disponibilité opérationnelle inférieure à celles de ses homologues occidentaux. De plus, le climat géopolitique récent dû au conflit en Ukraine et l’inconfort croissant de l’Inde à l’égard des équipements russes, notamment à la lumière des problèmes de moteur et de maintenance rencontrés avec les avions russes existants dans l’IAF, rendent cette option moins attrayante.
Renforcement et diversification des systèmes de défense aérienne : drones et SAM
Pour renforcer ses capacités de défense aérienne, l’Inde doit également renforcer et diversifier ses systèmes de missiles sol-air (SAM) au-delà du S-400. L’intégration transparente de systèmes tels que les systèmes indigènes Akash, SAMAR, QRSAM, Extender Range Air Defence System (ERADS) et les versions avancées du Barak SAM peut fournir un réseau de défense à plusieurs niveaux contre diverses menaces aériennes. De plus, des investissements massifs dans les capacités du système aéroporté d’alerte et de contrôle (AWACS) sont cruciaux.
Afin de minimiser l’avantage furtif chinois dans les zones frontalières, l’Inde pourrait envisager de déployer des drones furtifs. Bien que les drones furtifs puissent ne pas égaler les capacités d’un avion furtif lourd de supériorité aérienne, leur présence dans un espace aérospatial contesté peut dissuader les déploiements agressifs de l’adversaire. Le véhicule aérien de combat sans pilote (UCAV) indien Ghatak et d’autres projets de drones furtifs sont en préparation. En guise de solution rapide, l’Inde pourrait envisager de se procurer des drones russes S-70 Okhotnik en nombre limité. Leur déploiement, aux côtés des chasseurs Su-30MKI, pourrait s’avérer très dissuasif pour la PLAAF.
Conclusion : le défi 2025-2035
La période 2025 à 2035 est cruciale pour la stratégie de défense aérienne de l’Inde. Le déploiement croissant de J-20 à travers la ligne de contrôle réel, associé à la quête par le Pakistan de chasseurs de cinquième génération, présente des défis formidables. L’Inde doit adopter une approche multidimensionnelle pour renforcer ses capacités aériennes, impliquant l’intégration rapide de chasseurs locaux, le développement accéléré d’avions avancés et l’approvisionnement stratégique auprès de partenaires internationaux.
La volonté politique et la rationalisation des processus d’acquisition sont essentielles pour surmonter la stagnation actuelle des acquisitions de défense. Même si les défis sont importants, des mesures proactives et une prospective stratégique peuvent aider l’Inde à renforcer sa force aérienne pour faire face à l’évolution des menaces et maintenir une dissuasion crédible contre ses adversaires.
Face à une Chine de plus en plus affirmée et à une force aérienne pakistanaise potentiellement améliorée, la modernisation et l’expansion de l’IAF ne sont pas seulement des priorités mais aussi des impératifs pour la sécurité nationale. L’urgence d’agir ne peut être surestimée ; les décisions prises aujourd’hui façonneront les capacités de défense aérienne de l’Inde pour les décennies à venir.