L’environnement de non-prolifération en Asie du Nord-Est est en train de changer, alors que la guerre entre la Russie et l’Ukraine dure depuis trois ans et que la péninsule coréenne devient plus hostile. Alors que les discussions sur la nucléarisation de la péninsule coréenne ont refait surface, ces développements vont non seulement modifier le statu quo actuel – qui a permis à la région d’être à l’abri d’un conflit direct – mais ils pourraient également modifier l’architecture du traité de non-prolifération (TNP) et avoir un impact négatif sur l’économie.
Les États d’Asie du Nord-Est – dont la Russie, la Mongolie, la Chine, le Japon, la Corée du Nord et la Corée du Sud – n’ont connu aucun conflit direct entre eux depuis la fin de la guerre froide. L’expérience de la région pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide se reflète dans les concepts et les mécanismes de travail de chaque pays en matière de défense, de sécurité et de politique étrangère.
Cependant, la guerre de la Russie contre l’Ukraine et son alliance sécuritaire avec la Corée du Nord ont modifié certaines dynamiques de l’architecture de sécurité de l’Asie du Nord-Est.
Les insécurités qui en résultent obligent les acteurs régionaux et mondiaux à rechercher des alternatives, telles que augmentation des dépenses de défense et exercices militaires, et même le retrait du TNP pour acquérir des armes nucléairesLa Corée du Nord a fait ce dernier choix au début des années 2000, et la Corée du Sud est de plus en plus tentée de faire de même. Il est compréhensible que la volonté de Séoul de se doter d’armes nucléaires puisse être motivée par des raisons de défense ; toutefois, la nucléarisation peut créer un effet domino qui, à terme, modifiera l’architecture du TNP et la manière dont les États membres réagissent aux menaces sécuritaires.
En outre, ces décisions ne soutiennent ni ne favorisent l’engagement mondial en faveur de la paix et de la sécurité. Au contraire, elles ne feront que réduire les efforts d’atténuation des conflits et de désescalade déployés par des États non dotés d’armes nucléaires comme la Mongolie.
En 1992, la Mongolie déclaré La Mongolie s’est déclarée zone exempte d’armes nucléaires. Cette déclaration est une indication de la politique étrangère pacifique de la Mongolie, qui s’est traduite par des efforts continus pour faire avancer la paix dans la péninsule coréenne.
Dans un rapport de juin 2024 adressé au Bureau des affaires de désarmement des Nations Unies, le gouvernement mongol a souligné « son engagement à maintenir la paix et la sécurité internationales », non seulement en respectant son engagement envers le TNP, signé en 1969, mais aussi par sa contribution de premier plan aux missions de maintien de la paix de l’ONU.
« La Mongolie a fait des efforts considérables pour renforcer la paix et la sécurité internationales et a obtenu des succès au cours des 32 dernières années depuis qu’elle a déclaré son territoire zone exempte d’armes nucléaires », a commencé le rapport. La Mongolie a également adhéré au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires en 2022, ce qui, selon son gouvernement, démontre « l’engagement ferme de la Mongolie en faveur d’un monde sans armes nucléaires ».
La Mongolie s’est engagée à maintenir son statut d’État non doté d’armes nucléaires au titre du TNP. Dans le cadre de sa politique étrangère à plusieurs volets, Oulan-Bator continue de promouvoir le soft power, les négociations pacifiques et le dialogue entre les parties en conflit. Les préoccupations et les incertitudes croissantes en matière de sécurité, tant dans sa région immédiate que dans le monde, placent Oulan-Bator dans une position géopolitique encore plus difficile. La nucléarisation rendra difficile toute négociation de paix.
La nucléarisation de l’Asie du Nord-Est pose également un problème majeur à la communauté internationale, notamment en ce qui concerne le TNP lui-même.
En tant qu’experts en sécurité du Centre pour le contrôle des armements et la non-prolifération noté« De Bill Clinton à Joe Biden, aucun président américain n’a réussi à limiter ou à réduire le nombre d’armes nucléaires dans la péninsule coréenne. » Malgré les efforts déployés par les États-Unis pour dénucléariser la péninsule coréenne, les choses ont évolué dans la direction opposée, la Corée du Nord poursuivant sans cesse son programme nucléaire et la Corée du Sud discutant ouvertement de l’acquisition d’armes nucléaires.
À ce stade, des acteurs régionaux comme le Japon, la Corée du Sud et la Chine pourraient prendre les choses en main, ce qui entraînerait une augmentation du commerce des armes et du recours à la force.
Si Séoul poursuit son programme d’armement nucléaire, il devra d’abord se retirer du TNP. Cela pourrait non seulement entraîner des sanctions internationales, mais aussi nuire aux partenariats économiques de la Corée du Sud dans la région et dans le monde.
En outre, ces changements vont remodeler la dynamique politique, économique et sécuritaire, non seulement dans la région, mais à l’échelle mondiale. La Chine développe déjà rapidement son arsenal nucléaire et le Japon cherche à se doter d’une capacité offensive de « contre-attaque » pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.
La paix et la sécurité en Asie du Nord-Est ont un effet d’entraînement sur l’Asie-Pacifique et sur les liens économiques de chaque État avec le reste du monde. Le continent asiatique devrait représenter plus de 50 % du produit intérieur brut mondial d’ici 2040. économies dépendantes du commerce Comme le Japon et la Corée du Sud veulent poursuivre leur tendance à la hausse, les changements dans le statu quo nuiront à l’économie mondiale.
Dans un contexte où la nucléarisation de la péninsule coréenne fait l’objet de discussions de plus en plus nombreuses, les puissances mondiales, et notamment les acteurs régionaux, doivent examiner attentivement les conséquences que cette nucléarisation pourrait avoir sur la stabilité globale de la région. Si la menace nucléaire nord-coréenne reste un problème, consolider la nucléarisation de la péninsule coréenne n’est peut-être pas la meilleure solution.
Les tensions croissantes en Asie du Nord-Est vont contraindre les États de la région à proliférer. Cette tendance inquiétante pourrait modifier les principes et les concepts fondamentaux auxquels adhèrent une grande partie de la communauté régionale et internationale, notamment en matière d’armes nucléaires.