Auteur : Liezel Naus (Gevaco Advocaten)
Récemment, le ministre de la Justice Paul Van Tigchelt a annoncé qu’à partir du 20 octobre 2023, le public aurait la possibilité de vérifier en ligne si un entrepreneur est fiable ou non. Cette initiative, baptisée « JustBan », a été lancée sur la plateforme Just-on-web. Le but de cette application est de garantir que les entrepreneurs malveillants aient moins de chances de faire des victimes.
Selon les médias, cet outil serait la solution ultime pour détecter les entrepreneurs malhonnêtes. Mais est-ce vraiment le cas ? Nos spécialistes en droit de la construction l’ont examiné pour vous.
Qu’est-ce que ça veut dire?
Malgré une interdiction de gestion, les entrepreneurs frauduleux parviennent trop souvent à faire de nouvelles victimes. Ce « phénomène » se produit de plus en plus ces dernières années, notamment chez les entrepreneurs en construction. De cette manière, les entrepreneurs en construction parviennent à gagner la confiance du client, puis demandent des avances vertigineuses, puis disparaissent complètement des radars. Ces entreprises déclarent faillite et créent peu après une nouvelle entreprise et commettent les mêmes fautes professionnelles.
Bien que ces sociétés soient interdites de gestion par un tribunal, il n’existait pas de base de données centrale permettant de consulter ces interdictions de gestion. Le contrôle du respect des interdictions actives de conduire a donc nécessité une lourde enquête de la part des policiers. Par ailleurs, les notaires, qui jouent un rôle crucial dans la constitution des sociétés et la rédaction des actes, n’ont pas pu vérifier si leurs clients faisaient l’objet d’une interdiction d’administrateur. Le résultat était que les citoyens et les entreprises collaboraient souvent sans méfiance avec des entrepreneurs qui étaient de fait exclus de la direction, avec toutes les conséquences négatives que cela impliquait.
Pour remédier à ce problème, le projet de loi de l’ancien ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne a été approuvé par le Parlement le 27 avril 2023. Ce projet de loi a conduit à la création du Registre central des interdictions de gestion. Ce registre fonctionne comme une « liste noire » sur laquelle sont inscrits les entrepreneurs qui ne sont pas autorisés à occuper des postes de direction dans une entreprise pendant trois à dix ans. Cela inclut les fonctions telles que celles d’administrateur, de gérant, de représentant permanent, d’administrateur exécutif, de membre d’un comité exécutif, de membre d’un conseil d’administration et de liquidateur.
Le 20 octobre 2023, l’outil en ligne baptisé « JustBan » a été lancé sur le site Just-on-web. Cela signifie que non seulement les notaires ou les policiers, mais aussi les citoyens belges ont la possibilité de consulter environ 10.000 interdictions administratives dans le Registre central.
Comment ça marche?
Nous avons vérifié pour vous exactement comment fonctionne cet outil. L’explication ci-dessous avec des photos le montre clairement.
Pour vérifier si une entreprise fait l’objet d’une interdiction de gestion, la procédure commence par la navigation sur le site Just-on-web.
Sur ce site vous pouvez cliquer sur diverses options telles que ‘dossier judiciaire’, ‘amendes’, ‘administration’, ‘extraits et déclarations’… mais aussi ‘entreprises’.
Lorsque vous cliquez sur « entreprises », un ensemble d’options parmi lesquelles choisir apparaîtra à nouveau sur le côté droit de la page. L’une de ces trois options est « JustBan », le registre central des interdictions des cadres. Pour accéder à ce registre, vous devez d’abord vous connecter via eID ou itsme.
Après inscription, il faut soit indiquer le nom, le prénom et la date de naissance de l’entrepreneur potentiellement frauduleux, soit le numéro de TVA de l’entreprise.
Si l’entreprise en question apparaît, cela signifie qu’une interdiction de gestion a été prononcée. Si ce n’est pas le cas, aucune interdiction de gestion n’a encore été prononcée.
Regard critique
Ce nouvel outil en ligne est-il aussi utile qu’on le prétend ?
Par exemple, on peut se poser la question : « Quand une entreprise figure-t-elle sur la liste des administrateurs interdits ? Une interdiction administrative ne peut être prononcée que par un tribunal, c’est-à-dire à la suite d’une procédure judiciaire. Une décision dans le cadre d’une procédure judiciaire prend un certain temps.
Par ailleurs, un certain nombre d’interdictions administratives pénales sont actuellement enregistrées au registre central. Seules les interdictions administratives prononcées dans le cadre d’une affaire pénale sont inscrites au registre. Quelques exemples de telles affaires pénales sont la fraude, le détournement de fonds ou autres. Les interdictions de gestion dans le cadre d’une affaire civile ne sont pas encore incluses dans la liste. Si une interdiction de gestion est imposée à une entreprise en raison de fautes graves et grossières dans le cadre d’une faillite, cette entreprise ne figurera pas encore sur la liste. Toutefois, les interdictions administratives prononcées dans le cadre d’une affaire civile seraient ajoutées ultérieurement. Cette phase ne serait réalisée qu’en 2024.
Par ailleurs, on peut également s’interroger sur l’accessibilité de ce registre. En tant que citoyen, vous devez disposer du numéro de TVA ou du nom, prénom et date de naissance de l’entrepreneur malhonnête. Ces données peuvent également être difficiles, voire impossibles, à obtenir pour un citoyen.
Même si la liste noire est présentée dans les médias comme la solution ultime, de nombreuses réserves subsistent quant à cette nouveauté. La valeur ajoutée de cet outil reste minime. Il semble plutôt qu’il s’agisse d’un outil pour les notaires, qui peuvent ainsi contrôler plus facilement l’implantation de nouvelles sociétés contractantes. Pour les citoyens, en revanche, le bénéfice de cet outil reste limité.
À notre avis, le pouvoir judiciaire n’a jusqu’à présent pas réussi à fournir des moyens efficaces pour prévenir de telles mauvaises pratiques. Cependant, ce problème est connu depuis un certain temps. L’outil en ligne marque peut-être le début de la transparence dans le secteur de la construction, mais il reste encore un certain nombre de points délicats.
En tant que spécialistes du droit de la construction, nous vous recommandons donc de consulter des sites Internet tels que « Companyweb » et « Check Withholding Obligation », ou encore de consulter les avis de cette entreprise sur Internet. Ces sites Internet fournissent beaucoup plus rapidement une image claire de la situation financière de l’entreprise en question et de l’histoire de la personne physique derrière cette entreprise.
Source : Gevaco Avocats