Auteurs : Gwen Bevers, Emilie Bogaerts ou Sacha Klajnfeld (Schoups)
Le nantissement des actions est un mécanisme de sécurité courant dans le commerce. Sa popularité est en partie due à l’efficacité (coût) avec laquelle le gage est établi, à l’absence de formalités pour obtenir sa force exécutoire et à la flexibilité de son exécution si nécessaire. À cet égard, il est pertinent de fournir quelques outils pratiques à toute personne envisageant un nantissement d’actions.
Réglementation applicable
Avec l’introduction de la loi sur les gages[i] le législateur a visé l’uniformité du droit de gage. La distinction entre locaux civils et locaux commerciaux a été supprimée. Le nantissement des actions[ii] (ou d’autres instruments financiers, créances bancaires ou espèces), restaient toutefois réglementés par une loi distincte, à savoir la loi sur les valeurs financières (ci-après : WFZ).[iii]. La relation entre la loi sur les gages et la WFZ est quelque peu floue, du moins en ce qui concerne les règles de protection des consommateurs contenues dans la loi sur les gages (voir ci-dessous). La WFZ exclut l’application de la loi sur le nantissement pour le nantissement d’actions, à l’exception d’un certain nombre de dispositions expresses qui restent pleinement applicables.[iv]
Règles applicables aux consommateurs gagistes
Le Pledge Act fait une distinction entre les donateurs qui sont des consommateurs et les donateurs qui ne sont pas des consommateurs. Dans le premier cas, des règles plus strictes s’appliquent. Par exemple, un document est requis pour l’établissement du droit de gage[v] (par opposition au simple accord de testaments qui suffit à la mise en gage par des non-consommateurs[vi]), il y a des limites à la valeur des biens mis en gage[vii]et des règles plus strictes s’appliquent à la saisie.[viii]
Il n’y a pas de réponse claire à la question de savoir si les règles de protection de la loi sur les gages en faveur des consommateurs gagistes s’appliquent également lors de l’application de la WFZ – ce qui est le cas pour le gage sur actions. Selon l’opinion majoritaire, les dispositions relatives à la protection des consommateurs de la loi sur les gages ne sont pas applicables : en effet, WFZ ne les mentionne pas dans la liste des dispositions applicables de la loi sur les gages. Une minorité objecte que la WFZ elle-même indique que cela s’applique sans préjudice de la législation sur la protection des consommateurs.[ix]. Ce manque de clarté quant au champ d’application a des conséquences pratiques lors de la mise en gage d’actions par un consommateur : par exemple, une autorisation judiciaire préalable est-elle requise pour l’exécution à l’encontre d’un constituant du gage-consommateur, ou est-ce également possible sans aucune intervention judiciaire ? Selon l’opinion majoritaire, cela peut se faire simplement sans intervention judiciaire : après tout, l’intention du législateur en introduisant la loi sur le Pledge était de ne pas affecter la zone franche, y compris le mécanisme d’application flexible qui y est prévu.
Origine et objection
L’établissement d’un nantissement sur actions est simple : le contrat de nantissement est conclu par le simple accord de testaments entre créancier gagiste et créancier gagiste.[x] La force exécutoire d’un gage sur actions se fait également de manière efficace : cela peut se faire simplement en inscrivant le gage dans le registre des actions.[xi] À titre d’exemple pratique, la clause type suivante peut être incluse dans un registre des actions :
« Aux termes d’une convention de nantissement d’actions en date du [datum] sont [aantal] actions nominatives [naam pandgever-aandeelhouder] dans [eerste, tweede, …] rang engagé au profit de [naam pandhouder]. Cette propriété a été enregistrée le [datum].“
La question de savoir si le caractère exécutoire d’un gage sur actions est également obtenue par une simple inscription dans le registre des gages est controversée. Nous discutons de la pertinence pratique de cette question dans la section suivante.
Consulter le registre des nantissements et des actions
Pour être sûr que les actions ont été nanties ou non, il est conseillé de consulter le registre des nantissements en plus du registre des actions.[xii] Comme évoqué, selon certains auteurs, un nantissement sur actions peut également être répréhensible par le simple fait de son inscription au registre des nantissements. Mais même pour ceux qui ont un avis différent, consulter le registre foncier n’est pas une recherche inutile. En effet, les actions peuvent avoir été mises en gage dans le cadre de l’activité de la société mère, et le gage devient exécutoire par inscription au registre des gages. Dans le cadre d’une enquête de due diligence, il est donc important de toujours consulter le registre des gages en plus du registre des actions.
Droits de propriété et droits patrimoniaux des actions nanties
Le principe de base est que le constituant du gage est et reste l’unique propriétaire de ses actions gagées jusqu’à leur éventuelle saisie. Le constituant du gage continue d’exercer les droits de sociétaire attachés aux actions gagées. Des dérogations légales ou contractuelles sont toutefois possibles. Par exemple, les statuts ou le contrat de gage peuvent donner le droit de vote au créancier gagiste, ou développer un arrangement dans lequel le créancier gagiste ou le créancier gagiste bénéficie du droit de vote, en fonction de la décision à prendre. Important ici : la partie autorisée à exercer le droit de vote a le droit (à l’exclusion de l’autre partie) d’être présente à l’assemblée générale et d’exercer le droit de question et d’information attaché aux actions. Pour des raisons pratiques, il est souvent établi que le créancier gagiste reste en droit de continuer à exercer tous les droits d’adhésion, mais qu’il ne peut pas (substantiellement) affecter la valeur des actions ni nuire aux options de rachat du gage.
Il existe des désaccords dans la doctrine juridique sur la question de savoir qui a le droit de percevoir les dividendes des actions gagées. Il en est de même pour la question de l’exercice du droit préférentiel de souscription en cas d’augmentation de capital. En l’absence de réponse claire, il convient que les parties concluent un accord détaillé dans le contrat de gage.
Forclusion du privilège
Grâce au régime d’exécution flexible de la WFZ, un nantissement sur actions peut être exécuté rapidement et facilement en cas de non-paiement. Le créancier gagiste peut racheter les actions gagées en les vendant, sans mise en demeure préalable ni intervention judiciaire (bien qu’il y ait des discussions à ce sujet parmi les gagistes-consommateurs, voir ci-dessus).[xiii] Les abus lors de la saisie peuvent bien entendu être ensuite sanctionnés par le tribunal.[xiv]
Cependant, dans la pratique, la vente des actions gagées n’est pas une solution efficace, car il faut trouver un acheteur intéressé. Il est donc utile de prévoir dans le contrat de nantissement que le créancier gagiste pourra s’approprier les actions en cas de non-paiement.[xv] Toutefois, une telle appropriation contractuelle n’est pas autorisée conformément à la loi sur les gages lorsque le constituant du gage est un consommateur. Toutefois, comme expliqué ci-dessus, il n’est pas clair si ces règles de protection des consommateurs s’appliquent au nantissement d’actions.
Pour permettre l’appropriation par le créancier gagiste, les parties doivent conclure des accords (pratiques), notamment sur la manière dont les actions seront évaluées. La valeur des actions gagées doit donc en tout état de cause être déterminable. Le montant résultant des règles d’évaluation convenues est ensuite affecté à la créance pour laquelle le gage a été constitué lors de son appropriation par le créancier gagiste.
Source : Schoups
[i] Loi du 11 juillet 2013 modifiant le Code civil en matière de sûretés immobilières mobilières et supprimant diverses dispositions en la matière, BS 2 août 2013, 48.463tel que modifié par le Loi du 25 décembre 2016 modifiant diverses dispositions en matière de sûretés mobilières sur les biens meubles, BS 30 décembre 2016, 91.950.
[ii] Cet apport est limité aux actions qui entrent dans le champ d’application de la WFZ, y compris les actions de BV, CV et NV.
[iii] Loi du 15 décembre 2004 relative aux titres financiers et contenant diverses dispositions fiscales sur les contrats de garantie et les prêts relatifs aux instruments financiers, BS 1er février 2005, 2.961.
[iv] Article 7, §2 WFZ.
[v] Article 4, deuxième alinéa de la loi sur les gages.
[vi] Article 2 Loi sur les gages.
[vii] Article 7, quatrième alinéa de la loi sur les gages.
[viii] Article 46 Loi sur les gages.
[ix] Article 2, deuxième alinéa WFZ.
[x] Article 7, §4 WFZ.
[xi] Article 4, §1, deuxième alinéa WFZ.
[xii] Vous pouvez facilement consulter le registre foncier via ce lien : https://pandregister.minfin.fgov.be.
[xiii] Article 8, §1 WFZ.
[xiv] Article 8, §3 WFZ.
[xv] Article 8, §2 WFZ.