Auteurs : Nathanaelle Kiekens, Linde Bevernaege et Elise Descheemaeker (Stibbe)
Le 8 mars 2024, le Gouvernement flamand a ratifié et promulgué un décret relatif à l’aliénation des biens immobiliers ainsi qu’à la constitution et à l’aliénation des droits réels. L’objectif est de créer un cadre juridique plus cohérent.
Ce décret du 8 mars 2024 remplace le précédent décret du 30 novembre 2018 relatif à l’aliénation des biens immobiliers du domaine, mais reprend en grande partie les dispositions de ce décret de 2018, sous réserve de quelques modifications, et les complète encore. Le décret du 8 mars 2024 est entré en vigueur le 1er juin 2024. Les transactions immobilières publiques de toutes les agences et entités du gouvernement flamand sont désormais soumises aux obligations de publicité fixées par la loi.[1].
Contexte du décret 2024
Les transactions immobilières purement publiques, telles qu’un achat/vente « pur », sont en principe exclues de la réglementation sur les marchés publics. Toutefois, le fait qu’il n’est pas nécessaire d’appliquer les réglementations en matière de marchés publics ne signifie pas que de telles transactions immobilières peuvent simplement avoir lieu. Quoi qu’il en soit, les principes d’égalité et de transparence s’appliquent à ces transactions, comme cela a été fortement explicité ces dernières années dans la jurisprudence et inclus dans des réglementations spécifiques par voie de codification.
Dans l’article 293 du décret des collectivités locales (DLB) du 22 décembre 2017, le décideur flamand a fait un premier pas en imposant par décret certaines obligations de transparence et d’enquête aux collectivités locales lors de la cession de leurs biens immobiliers :
“biens immobiliers de la commune et de la autonome Les entreprises communales sont toujours cédées conformément aux principes de concurrence et de transparence, à moins qu’une dérogation à ces principes soit justifiée.
Cet article fournit une base juridique claire selon laquelle les collectivités locales sont tenues par décret de disposer de leurs biens immobiliers par voie de vente publique ou de gré à gré, sous réserve du respect des principes de transparence, d’égalité, de concurrence et de publicité, afin que tous les les acheteurs intéressés peuvent avoir la possibilité de rivaliser.
La circulaire KB/ABB 2019/3 a précisé que «Il n’est admis que pour des raisons d’intérêt général que les transactions se déroulent sans concurrence ; le conseil d’administration doit fournir des raisons suffisantes à cet effet ;». En ce qui concerne les transactions portant sur des biens immobiliers appartenant à des collectivités locales, l’interprétation de la Cour de justice semble avoir été suivie, selon laquelle le seuil assez strict des « raisons impérieuses d’intérêt général » s’applique à titre d’exception au principe de divulgation de l’opération. .
Par arrêté du 30 novembre 2018, le législateur flamand a soumis les principes de transparence et de concurrence loyale précités à une publication obligatoire pour les biens immobiliers et les droits réels de la Région et de la Communauté.[2].
Cependant, il n’existait pas de cadre réglementaire spécifique pour les entités flamandes et les agences gouvernementales, et les obligations fondamentales de transparence et de concurrence loyale telles que développées dans la jurisprudence européenne et belge devaient être appliquées.
Le décret du 8 mars 2024 a également servi à créer un cadre réglementaire (plus) clair pour ces autorités gouvernementales et à fournir une base juridique explicite pour l’application de ces principes de transparence et de concurrence loyale.
Impact du décret 2024
L’article 2 du décret du 8 mars 2024 étend l’obligation de déclarer un projet d’opération immobilière aux mettre en œuvre des mesures de publicité appropriées et proportionnées en les rendant explicitement applicables à toutes les agences gouvernementales flamandes.
« Organisme gouvernemental flamand » est interprété au sens large comme «tous les organismes créés ou reconnus par le gouvernement flamand, qui sont chargés d’un service public et dont le fonctionnement est déterminé et/ou contrôlé par le gouvernement flamand.[3]»
Ce qui peut être considéré comme une publicité appropriée dépendra du contexte concret de la transaction. On peut nuancer qu’une vente publique n’est en aucun cas automatiquement obligatoire, mais que, par exemple, une consultation du marché ou une annonce publique par un canal officiel peut également être appropriée.
Les autres dispositions du décret du 8 mars 2024, telles que le règlement de compétence de l’article 3 et l’obligation de déclaration au Parlement flamand, ne s’appliquent pas à ces entités en tant qu’organismes autonomes.
Par ailleurs, l’obligation d’écrire au préalable par lettre recommandée aux propriétaires des parcelles adjacentes (aux biens immobiliers à céder) pour les informer de la transaction envisagée est désormais supprimée. Toutefois, une autorité publique peut toujours décider de sa propre initiative d’écrire aux propriétaires des parcelles adjacentes en application de l’obligation susmentionnée de prévoir des mesures de publicité appropriées et proportionnées.[4]. Cependant, cela confirme déjà qu’aucun « droit » à cet égard ne peut être revendiqué par les propriétaires adjacents.
Il reste – exceptionnellement – encore possible de procéder à une transaction privée directe, dans trois cas :
la valeur estimée du bien immobilier à céder ou la durée totale du droit réel est inférieure à 37 500 euros ;
L’opération a lieu pour atteindre des objectifs d’intérêt général ;
On peut raisonnablement supposer que la transaction porte gravement atteinte aux intérêts économiques et financiers du gouvernement flamand concerné.
Une transaction privée directe sans concurrence transparente reste donc l’exception. La faible valeur du bien immobilier peut justifier la vente privée, mais la préparation parlementaire semble impliquer une certaine rigueur maintenant qu’il faut encore des motifs pour indiquer pourquoi cela n’est pas nécessaire dans ce cas. . à la concurrence, par exemple parce qu’il n’y a pas d'(autres) acheteurs intéressés.
Une vente privée est également possible s’il existe un “objectif d’intérêt général”. Cette formulation comporte une différence de nuance limitée par rapport au DLB, qui parle de « raisons d’intérêt général ». On peut se demander s’il serait défendable qu’une institution gouvernementale flamande conclue une transaction immobilière privée si la vente s’inscrit dans ses propres objectifs d’intérêt général. La préparation parlementaire est assez claire et indique que ces « objectifs d’intérêt général » doivent être interprétés de manière large. C’est peut-être la plus grande nouveauté du décret. Les exemples « d’éducation, de culture et de développement économique » sont donnés. La jurisprudence de la Cour de Justice[5] peut servir de cadre à l’interprétation de ces objectifs pour les types de motifs pouvant justifier la transaction. Les intérêts purement privés ne sont pas acceptés et, lorsqu’une transaction privée est justifiée par des raisons d’intérêt général, le principe de proportionnalité et le principe d’adéquation doivent toujours être respectés. La préparation parlementaire précise que «l’objectif souhaité peut être atteint efficacement par des ventes sans concurrence et que le même objectif ne peut pas être atteint de manière moins drastique (par la concurrence).
Enfin, il est possible que l’application des dispositions relatives aux mesures de publicité soit contraire aux intérêts financiers et économiques des autorités gouvernementales flamandes, et compromettrait donc le caractère définitif de ces dispositions, à savoir l’obtention d’un bon prix. Pas facile à démontrer, mais une base juridique claire.
Décision
À partir du 1er juin 2024, chaque institution gouvernementale flamande devra tenir compte des obligations de transparence et d’interrogation telles que contenues dans le décret du 8 mars 2024, qui fournit une base de décret explicite et impose l’obligation de prendre des « mesures de publicité appropriées », dont , cependant, s’en écartent, entre autres, par une justification fondée fondée sur des raisons liées aux objectifs d’intérêt général dont ces entités sont chargées.
Sans doute faudra-t-il attendre une nouvelle jurisprudence en la matière… A suivre…
[1] Article 2 du décret du 8 mars 2024, BS 29 mars 2024
[2] Article 4, Arrêté du 30 novembre 2018, Moniteur belge du 24 décembre 2018
[3] Parlement flamand, Projet de décret 1943 (2023-2024) n°1
[4] Parlement flamand, Projet de décret 1943 (2023-2024) n°1
[5] Raisons impérieuses d’intérêt général dans la jurisprudence de la Cour de justice : protection des consommateurs, protection des travailleurs, lutte contre la fraude, protection de l’environnement et protection/maintien de l’ordre social, sécurité de l’État, maintien de l’équilibre financier du système de sécurité sociale, équité des transactions commerciales, de la santé animale, de la propriété intellectuelle, de la préservation du patrimoine historique et artistique national et des objectifs de la politique sociale et culturelle
Source : Stibbé