Auteurs : Ewoud Willaert, Nel Van Daele et Anouk Schryvers (Schoups)
Le 16 avril 2024 a été déposé le projet de loi insérant le livre 7 « Contrats particuliers » dans le Code civil. Cette proposition vise à moderniser les règles spécifiques de l’ancien Code civil en ce qui concerne diverses conventions particulières (nommées). Dans cette contribution nous aborderons plus en détail les dispositions de ce projet de loi relatives au loyer, contenues dans le titre 3 « Contrats d’usage portant sur un bien » du Livre 7.
Attention : il ne s’agit que d’un projet de loi, il n’a donc pas encore été approuvé par le Parlement et cela n’aura pas lieu avant les élections.
1. Points clés de la réforme
Depuis la sixième réforme de l’État, de nombreux contrats de location tels que les locations résidentielles, les locations commerciales, etc. relèvent de la compétence des trois régions. Néanmoins, le droit commun du bail, qui relève toujours de la compétence fédérale, reste pertinent, par exemple pour la location de bureaux ou d’entrepôts, ainsi que pour compléter les règles régionales spécifiques. Le projet de loi porte uniquement sur ce mandat commun et ne vise pas tant une réforme de fond en profondeur qu’une modernisation des règles existantes. Par exemple, le nombre d’articles est réduit de 55 à 39 en fusionnant ou en reformulant des dispositions, ainsi qu’en supprimant des dispositions qui concernent une compétence actuellement régionale. Des dispositions obsolètes ou de simples répétitions du droit commun des contrats, telles qu’elles figurent dans le livre 5 du Code civil, sont toujours abolies.
Le principe général du nouveau Code civil reste que presque tout est du droit complémentaire, sauf indication explicite (par exemple les définitions).
2. Définition du « loyer »
Le loyer est défini dans un nouvel article 7.3.1 comme un contrat par lequel le bailleur accorde temporairement au locataire l’usage et la jouissance d’un bien moyennant un prix. Cela restitue les composantes essentielles connues du loyer. Ce qui est nouveau en revanche, c’est que la figure de l’occupation est légalement consacrée. Le deuxième alinéa de l’article 7.3.1 précise que l’octroi de l’usage et de la jouissance précaire d’un bien moyennant un prix ne constitue pas un loyer, pour autant que ce caractère précaire soit justifié par des raisons « légitimes ». Conformément à la jurisprudence (de cassation) existante, l’utilisation d’une occupation pour la prière nécessite donc des circonstances particulières qui justifient l’établissement d’un droit d’usage précaire, par exemple l’aménagement d’une situation d’attente.
3. État de la propriété
Comme dans le droit actuel, le bailleur doit livrer le bien et le maintenir dans un état tel qu’il puisse servir à l’usage prévu. La livraison conforme suppose à la fois la livraison effective et la garantie de la conformité du bien pendant toute la durée de la location (par exemple en effectuant des réparations à la charge du bailleur). Le bailleur est responsable de tout défaut de conformité, même s’il n’en avait pas connaissance.
Par analogie avec le nouveau régime à l’achat, la proposition prévoit un double délai pour le locataire confronté à un défaut de conformité : un délai de notification et un délai de prescription. Le locataire doit avertir son propriétaire dans un délai « raisonnable » après avoir découvert ou aurait dû découvrir le vice. Dans le cas contraire, il peut toujours exiger le rétablissement de la conformité du bien pour l’avenir, mais pas de la perte d’usage et de jouissance déjà subie. De plus, le locataire est responsable des dommages causés par sa propre négligence. Le droit du locataire pour perte d’usage et de jouissance expire deux ans après cette notification. En revanche, la réclamation pour défaut de conformité n’expire que deux ans après la résiliation du bail, partant de l’idée que l’obligation de livrer conforme a un caractère continu et ne peut donc expirer tant que le bail court. .
Ce qui est nouveau, c’est que le propriétaire doit également expressément indemniser le locataire pour tout travail d’aménagement ou de modification du bien. Si les parties n’ont pas prévu de arrangement différent, cette indemnité sera estimée selon les règles de l’enrichissement injustifié. Les travaux non démontables réalisés sans l’autorisation du propriétaire ne doivent pas être remboursés.
4. Obligations du locataire
Les obligations du locataire restent également largement inchangées. Le locataire reste tenu au paiement du loyer et des charges, ainsi que de l’indexation si prévue contractuellement. Le nouvel article 7.3.18 fait désormais explicitement référence à l’indice santé comme référence pour l’indexation. Par ailleurs, le recouvrement des indus par le locataire est à l’étude : l’article 7.3.20 prévoit que ce recours expire au bout de cinq ans. Le double terme de l’actuel article 1728quater de l’ancien Code Civil, ainsi que la demande enregistrée de remboursement obligatoire, ne seront pas rétablis.
Le locataire doit néanmoins utiliser le bien en personne prudente et raisonnable, conformément à l’objet contractuel. Toutefois, à l’instar des règles applicables aux baux commerciaux, le locataire a désormais expressément le droit d’effectuer sans autorisation des travaux de conception ou de modification conformes à l’usage prévu, à condition qu’ils puissent être enlevés sans dommage. A la fin du bail, le locataire doit retirer les œuvres, sauf si le propriétaire souhaite les conserver. Le petit entretien, ainsi que les petites réparations ou réparations dues à une mauvaise utilisation ou à un manque d’entretien, restent à la charge du locataire. Le locataire doit néanmoins tolérer les réparations urgentes de la part du propriétaire pendant un délai « raisonnable ». L’article 7.3.24 précise que ce délai « raisonnable » pour la location immobilière est de 40 jours.
5. Clause résolutoire expresse ?
A ce jour, l’article 1762bis de l’ancien Code Civil prévoit que la « condition » résolutoire du bail est réputée non écrite. Cette terminologie a semé la confusion à plusieurs reprises. L’article 7.3.30 proposé reprend la règle, mais précise qu’elle fait référence à la clause résolutoire expresse. Par ailleurs, la sanction ne s’applique qu’à la location d’un bien immobilier et uniquement à l’égard du bailleur : le locataire d’un bien immobilier peut donc se prévaloir de la clause résolutoire expresse si celle-ci a été prévue contractuellement. Une clause résolutoire expresse peut également avoir effet en matière de location de biens meubles. Par ailleurs, l’application de l’article 5.93 du Code civil est exclue à l’égard du bailleur de biens immobiliers, qui ne peut donc se prévaloir de la notion de dissolution extrajudiciaire par mise en demeure écrite. Ces dispositions sont impératives au profit du locataire.
6. Décision
Comme prévu, les dispositions concernant les loyers du projet de loi introduisant le Livre 7 ne provoqueront pas de bouleversement sismique en la matière. Cependant, la proposition aurait pu aller plus loin et apporter plus de clarté sur certains thèmes, comme l’interprétation de l’actuel article 1722 de l’ancien Code civil et la discussion sur la destruction « totale » ou « partielle » du bien, qui, parmi D’autres événements survenus lors de la récente pandémie du coronavirus ont conduit à une jurisprudence divergente. En ce sens, c’est une occasion manquée que le législateur n’ait pas jugé approprié de clarifier cette discussion dans le nouveau texte juridique. Néanmoins, les dispositions proposées contiennent quelques clarifications ou ajustements bienvenus pour rendre les règles connues plus conformes à la société moderne.
Bron : Schoups