Auteur: Charles Claeys (Monard Law)
En 2021, sur la base de la directive européenne 2019/633/CE, diverses pratiques déloyales ont été interdites dans le Code de droit économique, notamment pour les relations entre acheteurs et fournisseurs de produits agricoles et alimentaires d’un chiffre d’affaires maximum de 350 millions d’euros. Ces règles s’appliquent dès que le fournisseur et/ou le client est établi en Belgique.
Mais cela s’est avéré insuffisant.
Des crises telles que la pandémie de COVID-19, l’inflation, le conflit en Ukraine et le changement climatique ont posé de nouveaux défis au secteur alimentaire. Tous les types de producteurs alimentaires, y compris les agriculteurs, sont confrontés à de faibles marges bénéficiaires en raison de la hausse des coûts alors que les prix de vente chutent souvent. De plus, ces entrepreneurs sont confrontés à une forte volatilité des prix et à des annulations soudaines de contrats d’achat, ce qui complique leur planification. Le manque de transparence des contrats les rend vulnérables à des conditions défavorables et conduit à une répartition déséquilibrée des risques dans la chaîne alimentaire.
L’arrêté royal du 4 juillet 2024 (lien) vise à répondre à ces préoccupations en élargissant les listes existantes de pratiques commerciales déloyales.
1. Liste noire : pratiques interdites
La « liste noire » contient des pratiques considérées comme déloyales et donc interdites :
1.1 Retrait des produits des rayons sans justification préalable ni préavis écrit
Il s’agit d’un abus de « radiation » en tant que mesure de rétorsion. Le retrait de produits des rayons pour répondre aux préférences des consommateurs ou en raison d’un changement dans l’offre du distributeur reste autorisé, à condition d’en être informé par écrit. Il reste également permis de menacer de retirer des produits des rayons lors d’une négociation commerciale sur la gamme de produits et leur prix. Toutefois, l’acheteur ne peut pas menacer de retirer des produits pour empêcher le fournisseur d’exercer ses droits contractuels ou légaux, comme par exemple la mise en œuvre d’une augmentation de prix objective et contractuellement convenue.
1.2 Imputation automatique des dommages et intérêts
Les clients ne peuvent pas facturer automatiquement des dommages et intérêts sans en informer au préalable le fournisseur par écrit des raisons. Les clients peuvent prévoir des dommages-intérêts dans leurs contrats, mais ne peuvent pas automatiquement facturer des dommages-intérêts sans donner au fournisseur la possibilité de répondre. Cette disposition garantit la transparence de la communication entre les parties et permet aux fournisseurs de défendre efficacement leurs droits.
1.3 Règlement unilatéral de la dette avec dommages et intérêts
Les clients ne peuvent pas demander un règlement unilatéral de leur dette sans justification écrite préalable au fournisseur. La provision ne concerne que le règlement des dettes avec dommages et intérêts. Ne sont pas incluses les méthodes par lesquelles le prix est ajusté en fonction de critères tels que la qualité du produit acheté, qui sont également légaux.
1.4 Règlement unilatéral de la dette avec amendes
Cette interdiction est conforme à ce qui est déjà généralement admis. L’article 5.88 du Code civil définit strictement les clauses de dommages et intérêts et interdit les pures « clauses pénales ». C’est le résultat d’un arrêt de principe de la Cour de cassation du 17 avril 1970 (Cass. 17 avril 1970, Arr. Cass., 1970, 954) où il a été jugé qu’« une clause qui ne vise pas à indemniser le dommage raisonnablement attendu en cas de rupture du contrat, est contraire à l’ordre public et est donc nul.
Étant donné que de telles pratiques ont encore lieu dans le secteur agricole et alimentaire, l’arrêté royal interdit à nouveau explicitement aux acheteurs d’appliquer un règlement unilatéral des dettes avec « des amendes sans caractère compensatoire ».
2. Liste grise : conditions de recours à certaines pratiques
La « liste grise » contient des pratiques qui sont considérées comme déloyales à moins qu’elles n’aient été convenues au préalable, clairement et sans ambiguïté. Cela fournit un cadre permettant aux parties d’évaluer les situations dans lesquelles une flexibilité peut être requise :
2.1 L’interdiction pour l’acheteur d’acheter des produits auprès du fournisseur à un prix inférieur à ses coûts de production
L’article VI.116 du CEL interdit la vente « à un prix qui n’est pas au moins égal au prix auquel l’entreprise a acheté le bien ou que l’entreprise devrait payer en cas de réapprovisionnement », compte tenu des éventuelles remises qui pourraient être accordées. le cocontractant a obtenu ou attribué. Cette disposition ne s’applique pas aux fabricants de produits alimentaires car ils ne disposent souvent pas d’un approvisionnement ou d’un prix d’approvisionnement auquel se référer pour déterminer si une vente a été réalisée à perte.
Cependant, aucun entrepreneur ne peut être contraint d’exercer une activité économique qui ne lui permet pas d’amortir ses coûts. Ce principe est crucial car le secteur alimentaire est souvent confronté à la volatilité des prix de production due à des facteurs externes tels que les conditions météorologiques et les fluctuations des prix des matières premières.
Dans le secteur alimentaire, la perte d’une année est parfois compensée par le profit de l’année suivante. Ainsi, dans certains cas, il peut néanmoins être économiquement judicieux pour le fournisseur de vendre sa production à perte plutôt que de la détruire.
La question de savoir si le prix est inférieur aux coûts de production doit être évaluée au moment de la conclusion du contrat. Il faut alors estimer les coûts de production.
En ajoutant cette pratique/disposition à la liste grise, le fournisseur conserve le droit de choisir de vendre ses produits à perte et renforce sa position de négociation vis-à-vis de son acheteur. Les fournisseurs conservent néanmoins le droit de démontrer que vendre à perte constitue une pratique illégale, ce qui contribue à les protéger contre des accords financièrement désavantageux.
2.2 L’interdiction de refuser de renégocier en cas de circonstances imprévisibles
Si des circonstances imprévues rendent l’exécution d’un contrat excessivement onéreuse (comme le prévoit l’article 5.74 du Code civil), le fournisseur peut exiger une renégociation. Cette disposition est importante pour garantir que lorsque ces conditions sont remplies, l’acheteur ne puisse pas refuser de renégocier le contrat. Cela favorise une gestion équitable de l’accord et évite que les fournisseurs soient contraints d’accepter des pertes déraisonnables.
Entrée en vigueur
Les nouvelles dispositions s’appliquent aux contrats de fourniture conclus, renouvelés ou modifiés après le 1er octobre 2024. Pour les contrats existants, une période de transition s’applique jusqu’au 1er avril 2025, afin que les parties aient le temps d’adapter leurs contrats à la nouvelle réglementation.
Conclusion
Ces récents changements législatifs constituent une évolution importante pour la chaîne d’approvisionnement alimentaire. En fournissant des lignes directrices claires sur les pratiques commerciales équitables, les fournisseurs sont mieux protégés contre les comportements déloyaux des acheteurs. Nous conseillons à toutes les parties concernées de bien s’informer sur les nouvelles règles et d’ajuster leurs accords contractuels en conséquence.
Bron : Loi Monard