La Californie s’est engagée à réduire considérablement ses émissions de gaz à effet de serre, en visant la neutralité carbone d’ici 2045. Cet engagement est au cœur des affirmations du gouverneur Gavin Newsom en matière de leadership climatique, qui ont figuré en bonne place lors de ses récentes visites en Chine et aux Nations Unies.
Mais le California Air Resources Board a récemment publié un inventaire préliminaire des gaz à effet de serre, suggérant que les émissions de l’État ont légèrement augmenté l’année dernière par rapport à l’année précédente. Il s’agit bien sûr d’une mauvaise nouvelle, car la lutte contre le changement climatique nécessite des réductions d’émissions profondes et rapides.
Ce qui me préoccupe encore plus, cependant, c’est que l’inventaire des gaz à effet de serre de l’État sous-estime les émissions en premier lieu. Bien que la question retienne rarement l’attention, l’inventaire californien exclut les émissions provenant de diverses sources, notamment les incendies de forêt et les secteurs industriels tels que le transport maritime, l’aviation et les biocarburants.
Imaginez un fumeur qui promet d’arrêter mais continue de faire de larges exceptions en matière de tabagisme au travail et lors d’événements sociaux. Peu importe ce que le fumeur dit au médecin, ses poumons refléteront la vérité.
De même, l’inventaire des gaz à effet de serre de la Californie va non seulement dans la mauvaise direction, mais ignore également de nombreuses sources d’émissions nocives. En effet, l’État mesure et répertorie même certaines de ces émissions dans ses rapports. Mais ils ne sont pas pris en compte dans son empreinte globale de gaz à effet de serre, qu’elle utilise pour attester de ses efforts pour lutter contre le changement climatique.
Ces émissions omises ont de graves conséquences : en se basant uniquement sur les estimations du CARB, l’empreinte de gaz à effet de serre déclarée par l’État serait environ 20 % plus élevée si elle incluait ses émissions omises. Et cela n’inclut pas les émissions que l’agence ne répertorie même pas dans son inventaire, comme celles provenant des incendies de forêt, qui sont en grande partie d’origine humaine, mesurables et gérables.
Ces omissions ont également des répercussions sur les communautés californiennes. De nombreuses industries dont les émissions de gaz à effet de serre sont exclues de l’inventaire officiel – notamment le transport maritime, l’aviation, les raffineries et les biocarburants – produisent des polluants supplémentaires qui affectent les communautés voisines. Les personnes vivant à proximité de ces installations subissent les conséquences de cette pollution, que les autorités choisissent ou non de comptabiliser les émissions de ces installations. En particulier dans les communautés confrontées à des injustices environnementales historiques et persistantes, ces omissions aggravent le problème.
La ville de Stockton, par exemple, a accepté de produire un inventaire des gaz à effet de serre dans le cadre du règlement d’un procès alléguant que son plan général ne prenait pas suffisamment en compte les impacts environnementaux. Pourtant, son inventaire des gaz à effet de serre exclut les émissions des industries mêmes qui contribuent à la pollution atmosphérique locale et aux injustices environnementales. En fait, les émissions exclues par la ville sont quatre fois supérieures à celles déclarées.
Ces omissions d’émissions ne sont pas propres à la Californie. En effet, les gouvernements nationaux excluent les émissions du transport maritime et de l’aviation internationale des rapports aux Nations Unies exigés par l’accord de Paris, en s’appuyant en partie sur des méthodologies dépassées et politisées.
Si l’accord de Paris autorise de telles omissions, il n’empêche pas les pays d’améliorer leurs méthodes comptables. De plus, les gouvernements infranationaux comme celui de Californie ne sont pas parties à l’accord et ne sont donc pas liés par ses méthodologies. En fait, contrairement à ses homologues nationaux, la Californie comptabilisait autrefois les émissions des transports provenant des biocarburants tels que l’éthanol, mais les reclassait en 2016.
Ce problème ne se limite pas non plus aux gouvernements : les entreprises émettrices font également partie du problème. Une étude a révélé que les déclarations de gaz à effet de serre des entreprises technologiques sous-estimaient leurs émissions, parfois de plusieurs ordres de grandeur. Et les engagements des entreprises en faveur du « zéro net » comptabilisent souvent arbitrairement les émissions d’une manière qui ne correspond pas à de véritables réductions.
Quelle est la solution ? Seul un compte rendu complet des émissions de gaz à effet de serre peut nous permettre d’attribuer correctement la responsabilité à chaque émetteur et de déterminer ses progrès dans la réduction de sa contribution au changement climatique. Nous avons besoin de systèmes de comptabilisation des gaz à effet de serre rigoureux, complets et interopérables.
Il s’agit d’une tâche ardue mais pas désespérée. Le projet de loi 253 du Sénat, que Newsom a récemment promulgué, exige que les grandes entreprises opérant en Californie divulguent leurs émissions de gaz à effet de serre et incluent les émissions tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement. C’est essentiel : la divulgation des émissions à travers les chaînes d’approvisionnement aidera à tenir les émetteurs responsables de leur empreinte totale de gaz à effet de serre.
Bien que le SB 253 soit une très bonne première étape, l’Air Resources Board devrait appliquer la même norme à l’inventaire des gaz à effet de serre de l’État. Pour mesurer l’empreinte totale de la Californie, il faut inclure les émissions des raffineries en amont et en aval, ainsi que celles provenant de l’aviation, du transport maritime, des biocarburants et des incendies de forêt.
En fin de compte, une bonne comptabilisation des gaz à effet de serre est cruciale pour faire face au changement climatique. Tant que les gouvernements et les entreprises ne rendront pas compte de manière complète et précise de leur contribution au problème, les solutions promises ne seront pas à la hauteur.
Leehi Yona est candidate au JD-PhD et boursière Knight-Hennessy à l’Université de Stanford dont les recherches se sont concentrées sur la comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre.