Mes chers étudiants en droit,
Parfois (Dieu merci pour cela), je reçois cette question de la part des étudiants en droit : à quoi sert la faculté de droit ? Habituellement, cette question vient des dernières années, lorsqu’un temps libre inattendu permet aux étudiants de réfléchir à de telles questions. J’ai moi-même vécu cette phase lorsque j’étais en cinquième année. Ça passe.
La question n’est pas totalement inutile, dans la mesure où la formation juridique, notamment au Royaume-Uni, reposait historiquement sur des stages auprès de praticiens du droit plutôt que sur une formation juridique formelle.
Même aujourd’hui, il n’est pas nécessaire d’avoir obtenu un diplôme en droit de trois ans au Royaume-Uni pour accéder à la pratique du droit. Néanmoins, j’appartiens au groupe qui estime qu’une formation juridique de trois ou cinq ans constitue un début idéal pour un avocat en herbe.
Le but de la faculté de droit est de vous pousser à faire des choses que vous pensez ne pas être capable de faire. On pourrait dire que cela se produira de toute façon dans la pratique du droit. On vous confiera un travail que vous trouverez impossible à gérer au début mais que vous finirez par faire naturellement. Mais les expériences de la vie réelle devraient être des expériences d’apprentissage uniquement comme dessert et non comme plat principal.
Par ailleurs, vos mentors en cabinet d’avocats ont leurs devoirs premiers envers leurs clients. Les bons patrons vous encadreront, mais ce n’est pas leur travail quotidien. Le développement de vos compétences se produira, mais cela se fera de manière fortuite et non à la suite d’un processus délibéré.
Une bonne faculté de droit qui prend au sérieux ses étudiants en droit les poussera à exercer leur imagination et leur créativité tout en les rendant techniquement solides. Il s’agira d’une priorité et, de par sa conception, et non d’un effet fortuit des cours et des évaluations.
Ceci, je m’empresse d’ajouter, n’est pas basé sur le modèle de la faculté de droit américaine où l’on coule ou nage et où tout le monde est jugé selon une seule norme et mesuré sur une courbe. C’est un jeu à somme nulle et les facultés de droit en sont les plus pauvres. Je veux dire un système dans lequel les universitaires et les évaluations de la faculté de droit, tout en se conformant à certains modèles uniformes et en récompensant les étudiants pour leurs efforts, donnent vie au droit pour chaque étudiant. J’ai expliqué comment une faculté de droit peut le faire ailleurs.
Une bonne faculté de droit exigera que les enseignants poussent les étudiants hors de leur zone de confort. Nous vous demanderons de lire vous-mêmes les textes bruts et la jurisprudence et de répondre aux questions. Vous pourriez vous plaindre d’avoir besoin d’un manuel. Vous n’avez pas besoin d’un manuel ; des années d’études secondaires en Inde vous ont conditionné à penser que vous avez besoin d’un manuel pour chaque proposition.
Nous vous demanderons de lire l’article d’un juriste avant de venir en cours. Vous pourriez refuser en disant que l’article est trop théorique. Rien n’est trop théorique pour un avocat. Toute interprétation d’une loi repose sur une certaine théorie. Nous vous ferons des évaluations multiples et régulières. On pourrait dire que nous faisons de l’école de droit une question d’évaluation.
Bien au contraire en fait ; nous ne voulons pas que vous vous dirigiez vers une grande évaluation déterminante à la fin, comme le font les examens du jury.
L’autre aspect passionnant de la faculté de droit est qu’elle vous offre un contexte holistique dans lequel étudier le droit. Les fans de cricket se souviendront de la célèbre boutade de CLR James : « Que savent-ils du cricket que seul le cricket connaît » ? Je devrais dire la même chose de la loi.
On peut en apprendre davantage sur le droit en étudiant des domaines autres que le droit. Nous vous demanderons d’apprendre de l’histoire, de la sociologie, de l’économie et de la comptabilité. Vous pourriez nous dire que vous avez étudié les sciences au lycée et que vous ne connaissez rien à l’histoire et aux sciences politiques.
Nous dirons que c’est une magnifique nouvelle. Vous découvrirez de nouvelles perspectives et vous en sortirez mieux. On pourrait dire que la comptabilité fait mal à la tête. Nous dirons que c’est exactement ce que les comptables font à tout le monde depuis longtemps. Il est temps de rejoindre leur fête.
Un dernier point, et restez avec moi ici, car ce que je dis va vous paraître bizarre. Une bonne école de droit est censée montrer ce qu’est une vie honorable. Vous entendez parler d’avocats qui perturbent les procédures judiciaires ou présentent des arguments fallacieux et je ne vous reprocherai pas de rire ou de pleurer à cause de ma déclaration, selon votre disposition.
Écoutez-moi un peu. Les jeunes peuvent faire carrière dans diverses professions comme la médecine et l’ingénierie. Pourquoi s’embêter avec la loi ? L’argent à lui seul ne peut pas être une raison, même si je conviens que le fait que certaines pratiques du droit soient lucratives est un facteur important pour rejoindre la profession. Lorsque je rencontre des aspirants en droit, je leur pose toujours cette question : que pensez-vous que la faculté de droit vous fera ?
Certains d’entre eux disent attendez, laissez-moi d’abord effacer CLAT, occupons-nous de l’école de droit plus tard. Certains disent que c’est parce que la loi les obligera à faire quelque chose qu’ils n’ont jamais fait auparavant. D’autres disent qu’ils souhaitent que leurs opinions soient élargies ou modifiées, ou qu’ils souhaitent mieux réfléchir.
Je trouve ces dernières réponses vraiment convaincantes. Mener une vie honorable, c’est toujours s’ouvrir aux nouvelles idées et corriger les vieilles erreurs. Il n’y a pas de plus grand honneur que de réévaluer le bien et le mal après délibération. Seule une (bonne) faculté de droit peut vous apprendre à faire cela, d’une manière qui vous enrichit ainsi que la communauté qui vous entoure. Laissez les codeurs lire Python, vous avez de plus grosses proies à avaler.
Remarque : Cette lettre a été reproduite après avoir obtenu l’accord du professeur Nuggehalli.
Pour en savoir plus sur la série « Lettre aux étudiants en droit », vous pouvez consulter la page LinkedIn du professeur Nigam Nuggehalli ici. Vous pouvez en savoir plus sur le professeur Nigam Nuggehalli ici.
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Remarque : Cet article a été publié pour la première fois le 6 juin 2022. Nous l’avons republié le 21 mars 2024.