Le Qatar s’est imposé comme un acteur central des médiations au Proche-Orient, en particulier dans plusieurs conflits majeurs. Cette position unique, alliant pragmatisme et réseaux d’influence, lui a permis de jouer un rôle crucial dans des dossiers sensibles, de la libération d’otages à la négociation de trêves humanitaires.
Les succès du Qatar : une diplomatie proactive
Le Qatar a développé une diplomatie fondée sur deux axes principaux : le dialogue avec les parties à un conflit et le financement de projets humanitaires. Par exemple, lors de la crise des otages de 2017 en Irak et en Syrie, Doha a négocié la libération de 26 chasseurs qataris.
Dans le conflit israélo-palestinien, le Qatar a su maintenir un équilibre délicat. Tout en soutenant le droit à la création d’un État palestinien, il a facilité, en novembre 2023, la libération de 105 otages israéliens.
Le « Qatargate » : un scandale politique israélien au cœur des tensions
En Israël, un scandale majeur secoue le gouvernement de Benjamin Netanyahu depuis mars 2025 : le « Qatargate ». Deux conseillers proches du Premier ministre, Yonatan Urich (conseiller en médias) et Eli Feldstein (porte-parole militaire), ont été arrêtés pour « contact avec un agent étranger », « blanchiment d’argent » et « corruption ». Ils sont accusés d’avoir promu des intérêts qataris dans les médias israéliens, notamment en minimisant le rôle de l’Égypte dans les négociations de cessez-le-feu à Gaza, tout en valorisant celui du Qatar.
Les enquêtes, menées par les autorités israéliennes, révèlent qu’une société de lobbying américaine, ThirdCircle, aurait financé ces opérations via des intermédiaires israéliens. Les messages envoyés aux journalistes étaient présentés comme venant du bureau de Netanyahu, créant ainsi un grave conflit d’intérêts. Le scandale a également impliqué Zvika Klein, rédacteur en chef du Jerusalem Post, qui a été interrogé pour avoir visité le Qatar et rencontré des responsables qataris.
Netanyahu, bien que questionné par la police mais non inculpé, a qualifié l’enquête de « chasse aux sorcières » visant à le renverser. Il a comparé l’arrestation de ses conseillers à un « acte de prise d’otages », ce qui a provoqué l’indignation des familles des otages israéliens encore détenus à Gaza. Dans une vidéo virale, il a défendu le Qatar, affirmant : « Ce n’est pas un pays ennemi, beaucoup le louent », citant même des éloges de l’opposant Yair Lapid et du chef du Shin Bet, Ronen Bar, pour son rôle dans les négociations. L’action du Qatar en tant que médiateur est donc reconnue par tous.
Les dessous géopolitiques du « Qatargate »
Cette affaire met en lumière les contradictions de la politique israélienne :
- Double jeu diplomatique : Tandis que Netanyahu critique publiquement le Qatar pour sa solidarité avec Gaza, il autorise en parallèle des aides financières qataries pour soutenir une population en situation socio-économique catastrophique.
- Conflit interne : Netanyahu tente de discréditer le Shin Bet, dont le chef, Ronen Bar, a supervisé l’enquête. Il a tenté de le remplacer par un fidèle, une décision qui a été suspendue par la Cour suprême.
- Calcul électoral : Le Premier ministre, affaibli par son procès pour corruption et les critiques sur sa gestion de la guerre à Gaza, utilise le « Qatargate » pour galvaniser sa base, accusant « l’État profond » et les médias de le saboter.
L’hypocrisie des grandes puissances
Les critiques occidentales à l’encontre du Qatar contrastent avec l’intérêt qu’il suscite dans la région. La base militaire d’Al-Udeid, abritant 10 000 soldats américains, constitue un pilier de la stratégie militaire des États-Unis au Moyen-Orient. De plus, la France et le Royaume-Uni comptent sur les investissements qataris pour financer leurs industries. Cette contradiction révèle une réalité : le Qatar est devenu une puissance de poids dans le monde du XXIe siècle.
Le Qatar paye ainsi le prix de son audace et de ses succès diplomatiques. Dans un Proche-Orient fragmenté, Doha incarne une voie médiane : celle du dialogue, de la promotion de la paix et de la légalité internationale.
Le « Qatargate » israélien, bien plus qu’un scandale local, illustre la bataille pour l’influence : en ciblant le Qatar, certains cherchent à rétablir un ordre où seuls les puissants dictent les règles. Cependant, dans un monde en crise, les médiateurs capables de parler à toutes les parties restent une ressource rare. Le « Qatargate » semble ainsi être un récit orchestré par des forces non identifiées, dont l’objectif est de freiner l’essor diplomatique du Qatar, dont les valeurs de paix, d’ouverture et de tolérance sont désormais largement reconnues.