Auteur : Ester Van Oostveldt (Bellaw/Soconsult)
L’âge légal de la retraite augmentera en 2025. Dans cette édition de SoCompact 2.0, nous abordons certaines des conséquences de cette augmentation pour les salariés et les employeurs.
Quelles sont les conséquences sociales pour les employeurs et les salariés du relèvement de l’âge légal de la retraite ?
Il y a une dizaine d’années, le gouvernement de l’époque a décidé de relever progressivement l’âge légal de la retraite pour les salariés, les indépendants et les fonctionnaires. En 2025, l’âge légal de la retraite passera pour la première fois de 65 à 66 ans (pour les pensions qui débutent effectivement pour la première fois au plus tôt le 1er février 2025). La prochaine augmentation (à 67 ans) est prévue pour 2030.
Schématiquement, l’âge légal de la retraite est le suivant :
Dans cette contribution, nous examinons les conséquences de cette augmentation pour les salariés et les employeurs (pas pour les fonctionnaires ni pour les indépendants).
a. Fin du contrat de travail à durée indéterminée
Le salarié qui souhaite mettre fin à son contrat de travail à durée indéterminée en vue de percevoir sa pension légale de retraite devra tenir compte du relèvement de l’âge de la retraite.
En principe, un salarié ne peut retirer sa pension de retraite légale avant d’avoir atteint l’âge légal de la retraite que s’il remplit les conditions d’âge et de carrière pour bénéficier de la pension de retraite anticipée. Ces conditions ne changent pas et sont schématisées comme suit :
Toutefois, l’atteinte de l’âge légal de la retraite n’entraîne pas automatiquement la fin du contrat de travail à durée indéterminée. Est nulle la clause du contrat de travail précisant que l’atteinte de l’âge légal de la retraite met fin au contrat de travail (voir art. 36). Loi sur les contrats de travail).
Le contrat de travail doit donc toujours être résilié par l’une des parties (par exemple par résiliation) ou par les deux parties d’un commun accord.
En cas de rupture du contrat de travail à l’approche de l’âge de la retraite par le salarié, les délais de préavis normaux s’appliquent.
En principe, les délais de préavis normaux s’appliquent également en cas de licenciement par l’employeur à l’approche de l’âge de la retraite.
Toutefois, l’article 37/6 de la loi sur les contrats de travail prévoit un délai de préavis maximum différent de 26 semaines en cas de licenciement par l’employeur. L’article 37/6 le formule ainsi : « Si le licenciement est prononcé pour mettre fin au contrat de travail conclu pour une durée indéterminée à compter du premier jour du mois qui suit celui au cours duquel le salarié atteint l’âge légal de la retraite, le préavis Cette période est de 26 semaines au maximum en cas de licenciement de l’employeur.»(1).
Les employeurs qui souhaitent utiliser l’autre maximum de 26 semaines doivent tenir compte du relèvement de l’âge légal de la retraite.
La prudence est de mise lors de l’utilisation de la réglementation de l’article 37/6 de la loi sur les contrats de travail. Son application nécessite le strict respect d’un certain nombre de conditions. Des questions peuvent également se poser quant à la faisabilité d’appliquer ce système avec l’interdiction de la discrimination fondée sur l’âge. Par exemple, le Tribunal du travail néerlandophone de Bruxelles a jugé (dans un arrêt du 29 avril 2024 (2)) que l’application de la réglementation de l’article 37/6 de la loi sur les contrats de travail, dans cette affaire, constituait une discrimination directe interdite en matière de motifs d’âge (3).
b. Système de chômage avec allocation d’entreprise (SWT)
Sous certaines conditions (de plus en plus strictes), un salarié licencié peut accéder au dispositif de chômage avec allocation d’entreprise (voir NEO).
Un salarié ayant adhéré à un tel système perçoit :
une allocation de chômage payable par l’ONEM; une indemnité complémentaire (= allocation d’entreprise) payable par son dernier employeur.
Bien que l’article 4 du CAO n°. 17 stipule que le salarié perçoit le complément d’entreprise jusqu’à la date à laquelle il atteint l’âge auquel commence à bénéficier de la pension de retraite, le même article 4 lie l’octroi du complément d’entreprise au droit aux allocations de chômage. Cela signifie que le chômeur allocataire d’entreprise doit percevoir des allocations de chômage pour avoir droit à l’allocation d’entreprise (nonobstant la situation particulière de reprise du travail après licenciement dans le cadre du régime de chômage avec allocation d’entreprise (voir articles 4bis et 4ter du la convention collective de travail n° 17)).
Un chômeur n’a plus droit aux allocations de chômage à partir du premier jour du mois qui suit son 65ème anniversaire (art. 64 Décision de chômage). À partir de cet âge, le droit à l’allocation d’entreprise disparaît également (en principe). Il est toutefois prévu que la limite d’âge de 65 ans soit relevée jusqu’au nouvel âge légal de la retraite. Dans ce cas, les employeurs devront continuer à verser l’indemnité d’entreprise plus longtemps.
Un chômeur bénéficiant d’une allocation d’entreprise a également la possibilité de prendre une retraite anticipée. Cependant, cela est totalement volontaire. Une fois que le chômeur bénéficiant de l’allocation d’entreprise a retiré sa pension, le droit aux allocations de chômage et donc également le droit à l’allocation d’entreprise disparaît.
c. Gagnez un supplément pendant la retraite
La personne ayant droit à une pension de retraite peut exercer une activité professionnelle à condition que les revenus professionnels provenant de cette activité n’excèdent pas un certain montant. Toutefois, cette limitation de revenus ne s’applique pas dans les deux cas suivants :
si le pensionné justifie d’une carrière d’au moins 45 ans à la date de début de sa pension de retraite ; à partir du 1er janvier de l’année au cours de laquelle le pensionné atteint l’âge légal de la retraite.
Toute personne prenant une retraite anticipée (et ne pouvant justifier d’une carrière de 45 ans) ne pourra donc, à partir de 2025, percevoir un revenu supplémentaire illimité qu’à partir de l’année où elle atteint l’âge de 66 ans (= le nouvel âge légal de la retraite).
d. Prime de retraite
La loi du 25 avril 2024 relative à la réforme des retraites a réintroduit le bonus aux retraites. Le nouveau régime ne s’applique qu’aux pensions de retraite qui débutent effectivement pour la première fois au plus tôt le 1er janvier 2025 et uniquement pour les périodes servies à partir du 1er juillet 2024.
La prime de retraite est une prime supplémentaire (en plus de la pension de retraite légale) qu’un salarié peut percevoir s’il continue à travailler après la date la plus rapprochée à laquelle il peut prendre sa retraite. Plus le salarié concerné continue à travailler longtemps, plus le montant de sa prime de retraite est élevé. Le bonus ne peut être accumulé que pour une durée maximale de trois ans.
La date la plus rapprochée à laquelle le salarié peut prendre sa retraite est :
ou la date de la pension de retraite anticipée ; ou l’âge légal de la retraite si le salarié ne remplit pas les conditions d’une retraite anticipée.
Le relèvement de l’âge légal de la retraite peut donc également avoir des conséquences sur l’accumulation ou non du bonus de pension.
Pour plus d’informations sur le nouveau bonus de retraite, veuillez vous référer à le site Internet du Service fédéral des pensions.
A noter : la note du formateur de Bart De Wever inclut une réforme du bonus de retraite.
e. Pension complémentaire (deuxième pilier de pension)
En plus de leur pension de retraite légale (= le premier pilier de pension), de nombreux salariés se constituent également une pension complémentaire auprès de leur employeur. Il s’agit de ce qu’on appelle le deuxième pilier de pension. Ces retraites complémentaires sont financées par les cotisations versées par l’employeur et/ou par les cotisations versées par le salarié. Les cotisations salariales sont retenues sur les salaires par l’employeur et versées à l’institution de retraite (4).
La pension complémentaire constituée peut être versée sous forme de capital unique ou sous forme de rente périodique. Le versement de la pension complémentaire est lié à la pension de retraite légale : lorsque le salarié prend une retraite (anticipée), sa pension complémentaire est automatiquement versée, même si le régime de pension complémentaire indique un âge de départ à la retraite différent. En savoir plus à ce sujet sur le site Web FSMA.
Il est important de savoir que le pourcentage d’impôts dû sur la pension complémentaire versée sous forme de capital est lié à l’âge légal de la retraite. Quiconque retire son capital de pension complémentaire au plus tôt après avoir atteint l’âge légal de la retraite peut bénéficier d’un régime fiscal avantageux s’il est resté effectivement actif au moins jusqu’à cet âge. Pour plus d’informations sur les impôts sur la pension complémentaire, nous renvoyons désormais au site de la FSMA.
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(1) Ce maximum de 26 semaines s’applique aussi bien à la rupture d’un contrat de travail conclu avant qu’à la rupture d’un contrat de travail conclu après le 1er janvier 2014 (= date d’entrée en vigueur des délais de préavis de la loi sur le statut unitaire).
(2) Voir Newsletter sur le droit du travail 2024-8, Institut du droit du travail KU Leuven.
(3) Voir également dans ce contexte : CJUE n° C-388/07, 5 mars 2009 (Age Concern England)).
(4) L’institution de pension est l’institution qui gère la pension complémentaire. Il peut s’agir d’une compagnie d’assurance (c’est ce qu’on appelle une assurance collective) ou d’un fonds de pension.
Source : Bellaw/SoConsult