Auteurs : Mark Fransen et Gregory Grouwels (Monard Law)
Le 1er janvier 2025 entrera en vigueur le nouveau livre 6 du Code civil concernant la responsabilité extracontractuelle.
La nouvelle législation s’appliquera aux faits survenus après l’entrée en vigueur de la loi. Concrètement, cela signifie que les dommages survenus après le 1er janvier 2025 dans le cadre de contrats déjà conclus relèvent de l’application de la nouvelle loi.
Il est temps de paniquer ? Pas encore. Il est temps d’en lire davantage ? Très bien.
Nous attirons votre attention sur l’article 6.3 NBW. D’une part, cet article réglemente le chevauchement entre la responsabilité non contractuelle et la responsabilité contractuelle, et d’autre part, il abolit la soi-disant « doctrine de quasi-immunité de l’agent exécutif ou de la personne auxiliaire ». En application de celle-ci, le client (par exemple le donneur d’ordre ou maître d’œuvre, le sous-traitant ou le sous-sous-traitant ne pourra être tenu responsable d’une exécution défectueuse du contrat).
L’article 6.3 du Code civil néerlandais traite de deux relations juridiques : le premier alinéa concerne les règles de responsabilité applicables entre cocontractants, le deuxième alinéa se concentre sur les règles entre un cocontractant lésé et l’assistant engagé par son cocontractant.
Confluence?
En termes simplifiés, la situation actuelle est qu’une réclamation sur une base contractuelle reste distincte d’une réclamation sur une base non contractuelle. Si vous avez conclu un accord avec une partie, vous ne pouvez la tenir responsable que dans le cadre de cet accord.
Vous ne pouvez pas avoir deux réclamations, contractuelles et non contractuelles, « concurrentes » contre une seule partie.
Il existe une exception à cette règle, élaborée par la Cour de cassation dans le célèbre arrêt Arrimage du 7.12.1973. La Cour a déclaré qu’une telle coïncidence est autorisée lorsque l’erreur constitue non seulement une violation du contrat mais également une violation d’une norme générale de diligence et a également causé un dommage autre que celui résultant d’une mauvaise exécution du contrat.
La concurrence n’est donc possible que sous certaines conditions strictes.
Selon la nouvelle loi, le principe est que la coïncidence est toujours possible. Vous pouvez donc toujours demander des comptes à votre cocontractant, tant sur une base contractuelle que non contractuelle. Il faut cependant ici ajouter des nuances.
Quasi-immunité ?
Dans l’ancien droit, la doctrine de la quasi-immunité de l’agent exécutif s’applique.
Simplifié, dans le secteur de la construction il suffit de se référer au sous-traitant.
Le client conclut une entente avec un entrepreneur qui, à son tour, désigne un mandataire pour exécuter les travaux, le sous-traitant.
Le sous-traitant est « immunisé » contre une réclamation directe du client. Le client devra suivre la chaîne contractuelle et contacter au préalable l’entrepreneur, qui récupérera alors une indemnisation auprès de son sous-traitant. L’immunité du sous-traitant n’est donc pas totale mais une quasi immunité.
A compter du 1er janvier 2025, cette quasi-immunité sera supprimée et le client pourra engager directement la responsabilité du sous-traitant.
Nuances
Si le législateur en était resté là, vous seriez certainement autorisé et peut-être même forcé de paniquer. En effet, cela signifierait alors que le client peut faire appel à n’importe qui sans tenir compte des accords conclus.
Le législateur a donc fragilisé l’introduction du concours et la suppression de la quasi-immunité.
Les dispositions contractuelles conclues par les parties continuent de s’appliquer même si la personne lésée ne se prévaut pas du contrat mais invoque une responsabilité extracontractuelle. Les dispositions légales restent également applicables.
L’acheteur qui subit un dommage ne peut poursuivre son vendeur « comme si l’achat n’avait pas eu lieu ». Tant les règles légales relatives à l’achat que les dispositions du contrat d’achat restent applicables et le vendeur peut se prévaloir de ces défenses sauf en cas d’atteinte à l’intégrité physique ou psychologique ou de faute intentionnelle.
Le sous-traitant peut s’appuyer sur les défenses contractuelles incluses dans le contrat de construction entre le client et l’entrepreneur et sur les défenses contractuelles incluses dans son propre contrat de sous-traitance.
Le client ne peut donc pas contourner les restrictions inscrites dans son contrat en tenant le sous-traitant pour responsable extracontractuellement : cette personne auxiliaire peut invoquer à son encontre les mêmes restrictions (du contrat ou de la loi).
Vous êtes donc toujours protégé par les accords que vous avez conclus, mais le point de départ a été inversé à 180°.
Non soumis au droit impératif – Insertion et modification de clauses contractuelles !
L’observation la plus importante est toutefois que l’article 6.3 NBW n’est pas une loi impérative.
Les parties peuvent stipuler dans leur contrat que la coïncidence des deux régimes de responsabilité n’est pas possible, et/ou que la doctrine de la quasi-immunité de la personne auxiliaire reste applicable.
Nous serons heureux de vous informer sur les clauses qui peuvent protéger au mieux votre situation juridique, tant dans le contrat de construction que dans le contrat de sous-traitance. Nous attirons également votre attention sur le fait qu’il existe des clauses qui ne peuvent apporter réparation car nulles et non avenues, soit dans le cadre du changement de loi, soit en application du Code de droit économique.
Bron : Loi Monard