Alors que l’Union européenne s’apprête à débloquer 2,5 milliards d’euros pour la reconstruction de la Syrie post-Assad, des parlementaires français lancent un cri d’alarme. Ils dénoncent un soutien financier « aveugle » à un pouvoir dirigé par Ahmed al-Charaa, ancien chef de guerre lié à Al-Qaïda, et rappellent les compromissions passées de la France avec le régime d’Assad, symbolisées par la décoration en 2017 du photographe officiel Bachar el-Assad, Ammar Abd Rabbo.
Christophe Gomart, député européen LR et ancien directeur du renseignement militaire, met en garde contre une « subvention involontaire au terrorisme ». Il souligne que le nouveau pouvoir syrien, dirigé par al-Charaa (alias Abou Mohammed al-Joulani), reste marqué par des liens historiques avec des groupes jihadistes. Les récents massacres de civils alaouites, perpétrés par des milices proches du gouvernement, illustrent selon lui la « duplicité » d’un régime qui instrumentalise l’aide internationale .
La France, qui a salué la chute d’Assad comme une « victoire contre la barbarie », est épinglée pour son double discours. Emmanuel Macron s’est dit prêt à recevoir al-Charaa à Paris si ce dernier garantit la sécurité des réfugiés et intègre la société civile. Une position jugée « naïve » par Christelle d’Intorni (UDR), qui réclame une commission d’enquête sur les « défaillances coupables » de la diplomatie française. La députée dénonce notamment la promotion en 2017 d’Ammar Abd Rabbo au grade de chevalier des Arts et Lettres, un « symbole scandaleux » de la complaisance française envers le clan Assad .
Ce photographe franco-syrien, décrit comme un « témoin privilégié » de la propagande d’Assad, a capturé pendant des décennies l’image dorée du dictateur. Son frère, Wadah Abd Rabbo, dirigeait un journal financé par Rami Makhlouf, cousin d’Assad et parrain du trafic de Captagon. Pour les parlementaires, cette décoration, jamais révoquée, incarne les « erreurs coupables » d’une diplomatie française prompte à honorer des figures compromises .
Pendant ce temps, les ONG rapportent plus de 1 500 morts dans l’ouest de la Syrie, majoritairement des civils alaouites et chrétiens. Les promesses de l’UE conditionnant les fonds à une transition « inclusive » semblent illusoires face à la réalité sur le terrain : exécutions extrajudiciaires, morgues débordées et persécutions sectaires .
Face à cette crise, les élus exigent un sursaut : retrait de la décoration d’Abd Rabbo, gel des aides européennes tant que Damas n’aura pas rompu avec le terrorisme, et audit indépendant sur l’utilisation des fonds. « Après cinquante ans de lâchetés avec les Assad, la France ne peut pas répéter les mêmes erreurs avec leurs successeurs », résume un ancien diplomate. Reste à savoir si Paris osera choisir entre realpolitik et valeurs affichées .