Auteur : Flex Advocaten
L’approbation par la Chambre le 1er février 2023 du projet de loi contenant le livre VI du nouveau Code civil entraîne de nombreux changements drastiques dans le domaine de la responsabilité extracontractuelle. L’un des ajustements les plus marquants de l’ancienne loi est la suppression de la « quasi-immunité de l’agent exécutif », telle que décrite dans l’arrêt Stevedoring. Cette réforme aura un impact significatif, entre autres, sur la relation entre client et sous-traitant, rendant possible une sorte de « réclamation directe inversée ». Le nouveau dispositif entrera en vigueur cet été, mais nécessite déjà une attention particulière lors de l’élaboration des dispositions contractuelles. L’article de blog ci-dessous répertorie les éléments à prendre absolument en compte, en se concentrant sur le sous-traitant (agent exécutif) et le client (créancier principal).
1. Le jugement du débardeur
La doctrine de la quasi-immunité de l’agent d’exécution vis-à-vis du droit ancien est issue de l’arrêt Arpenteur de 1973. La Cour de cassation a précisé qu’un agent d’exécution ne pouvait être tenu responsable extracontractuellement que si le débiteur principal (l’entrepreneur principal) pouvait également être tenu lui-même pour responsable extracontractuellement. Selon la Cour, le débardeur était un tiers au moment de la conclusion du contrat, mais pas au moment de son exécution.
Théoriquement, cela signifie que le sous-traitant ne pourrait être tenu pour responsable extracontractuellement que si deux conditions étaient remplies. Premièrement, il doit y avoir une erreur qui constitue une violation des normes générales de diligence (c’est-à-dire qu’il n’agit pas comme un sous-traitant normal et prudent). Deuxièmement, le préjudice doit être différent du préjudice résultant de l’exécution défectueuse du contrat. En pratique, il était presque impossible pour le client de démontrer ces deux conditions, ce qui conduisait à une quasi-immunité : il était difficile, voire impossible, de demander des comptes au sous-traitant de manière extracontractuelle.
En droit actuel, le sous-traitant bénéficie donc d’un degré de protection important grâce à la quasi-immunité de l’agent d’exécution. En pratique, le client ne peut souvent intenter qu’une réclamation extracontractuelle contre l’entrepreneur principal, tandis que le sous-traitant peut utiliser la technique de la réclamation directe pour s’adresser immédiatement au client lorsque l’entrepreneur principal ne peut plus le payer. Avec la suppression de cette doctrine, le client pourra exercer une action extracontractuelle directement contre le sous-traitant dès l’entrée en vigueur du Livre VI NBW, même après la faillite de l’entrepreneur principal. Les conditions énoncées ci-dessus ne doivent plus nécessairement être remplies.
2. Suppression de la quasi-immunité et de la relation entre sous-traitant et client
Ce changement représente une petite révolution pour le secteur de la construction, où les actions en responsabilité non contractuelle seront désormais possibles de la même manière dans les deux sens. Le législateur opte pour ce qu’on appelle la « circulation à double sens ». Constructeur et sous-traitant seront plus souvent directement opposés en cas de litiges, ce qui influencera la position de négociation et les responsabilités des deux parties.
Le sous-traitant n’est bien entendu pas totalement livré à lui-même. Il aura la possibilité d’invoquer diverses défenses et exceptions contre le client : aussi bien celles que le maître d’œuvre peut invoquer contre le client que celles que le sous-traitant peut invoquer contre le maître d’œuvre, comme découlant des deux accords.
Attention : cette limitation (capacité du sous-traitant à invoquer les dispositions contractuelles de l’accord principal et du contrat de sous-traitance) ne s’applique pas si la personne lésée (lire : client) subit un préjudice psychologique ou physique.
3. Limitation de responsabilité par les conditions contractuelles
Le principe de circulation bidirectionnelle est tempéré par la règle nouvellement introduite selon laquelle les clauses contractuelles spécifiques prévalent sur les règles de responsabilité extracontractuelle. Ceci dans la mesure où une indemnisation est demandée pour les dommages causés par la violation d’une obligation contractuelle.
Les parties contractantes doivent noter que la loi applicable à toute action en responsabilité est la loi en vigueur au moment où l’agent d’exécution commet une erreur. Ainsi, si le sous-traitant commet une erreur après l’entrée en vigueur du livre VI, la nouvelle loi s’appliquera incontestablement à sa responsabilité. C’est pourquoi il est très important d’introduire dès maintenant des limitations de responsabilité contractuelle dans les accords.
4. Suggestions contractuelles pour le sous-traitant
Nous réfléchissons globalement à quatre options que les sous-traitants pourraient négocier avec leur cocontractant (entrepreneur principal) dans leur contrat de sous-traitance. Malheureusement, aucune des suggestions n’est parfaite.
4.1
Tout d’abord, on peut bien entendu exclure autant que possible sa propre responsabilité dans le contrat de sous-traitance en incluant une clause d’exonération (par exemple en limitant sa propre responsabilité à un certain montant, en excluant des dommages spécifiques, etc.). Après tout, cette restriction sera répréhensible pour le client. Il faut cependant toujours garder à l’esprit le principe selon lequel une telle clause ne peut pas porter atteinte à l’essence de l’accord.
4.2
Une clause d’indemnisation peut être incluse dans le contrat de sous-traitance dans laquelle le maître d’œuvre indemnise intégralement le sous-traitant en cas de mise en cause de la responsabilité du client.
Toutefois, cette clause est sans valeur si le maître d’œuvre est en faillite. Cela ne signifiera jamais non plus qu’une erreur intentionnelle de la part du sous-traitant entraînerait une obligation d’indemniser le maître d’œuvre. Une indemnisation en cas d’erreur grossière est également discutable. Après tout, selon la jurisprudence constante de la cassation, on ne peut pas être totalement exonéré (c’est-à-dire exclure le responsable) dans la mesure où cela constituerait l’essence de l’accord, ce qui porterait de facto atteinte à l’accord.
4.3
Si une clause de renforcement peut être négociée dans le contrat de sous-traitance, par laquelle l’entrepreneur/entrepreneur principal s’efforce d’inclure dans le contrat avec le client une renonciation au droit au détriment du client de faire valoir une réclamation directe contre le sous-traitant.
Cela pourrait être une bonne solution, mais le client ne sera certainement pas enthousiasmé par cette solution. En cas de faillite du maître d’œuvre, celui-ci sera laissé pour compte. On pourrait donc prévoir que l’exclusion du droit direct du client ne s’applique pas en cas de faillite du maître d’œuvre, mais cela affaiblirait sérieusement l’importance de cette clause au détriment du sous-traitant.
4.4
Enfin, il pourrait être envisagé d’exclure contractuellement la totalité de la réclamation directe du client dans le contrat de sous-traitance en incluant une clause d’exclusion spécifique de l’option de réclamation en faveur du client. La nouvelle loi prévoit que le sous-traitant peut opposer au client tous les moyens de défense prévus dans le contrat de sous-traitance.
Il est actuellement incertain qu’une telle clause résistera au contrôle judiciaire. La doctrine juridique actuelle est certainement divisée sur ce point. Nous devons attendre que le pouvoir judiciaire prenne la décision ici.
4.5
Dans la mesure où une clause de renforcement dans le contrat de sous-traitance ne serait pas possible (compte tenu de la résistance attendue de l’entrepreneur), une exclusion du droit d’action du client dans le contrat de sous-traitance semble souhaitable, le cas échéant combinée à une clause d’indemnisation. Il est à tout le moins dans l’intérêt d’accorder encore plus d’attention que jamais aux clauses limitant la responsabilité contenues dans le contrat de sous-traitance.
5. Conclusion
La suppression de la quasi-immunité de l’agent d’exécution modifiera radicalement la relation entre client et sous-traitant et entraînera de nouveaux défis pour toutes les parties impliquées. Mais cela crée également de nouvelles possibilités, notamment de la part du client. Il est essentiel que tous les acteurs concernés adaptent leurs accords contractuels et leurs conditions générales (de préférence le plus rapidement possible) à cette nouvelle législation afin d’éviter d’éventuels litiges.
La relation entre un entrepreneur d’une entreprise et les dirigeants de cette entreprise est également frappante. Ici aussi, le donneur d’ordre de l’entreprise pourra en principe poursuivre les agents exécutifs (c’est-à-dire les administrateurs) sur la base de la nouvelle loi. Il est donc important de prévoir cela dans les accords d’administration des dirigeants avec l’entreprise et/ou du contractant (principal) avec l’entreprise.
Source : Flex Advocaten