Le 8 novembre 2023, la Cour suprême de Floride a tenu des plaidoiries sur la validité d’une initiative d’amendement constitutionnel visant à légaliser le cannabis à usage adulte (numéro d’affaire SC2023-0682). La Constitution de Floride exige que le procureur général de l’État demande un avis consultatif à la Cour suprême sur la validité de toute initiative de vote. Le procureur général Ashley Moody a estimé que l’amendement proposé ne répond pas aux exigences légales.
Les débats oraux étaient largement centrés sur deux questions, la première étant de savoir si le résumé du scrutin est trompeur en affirmant qu’il « permettrait[] [existing] Centres de traitement de la marijuana médicale [MMTCs], et d’autres entités agréées par l’État » pour se livrer à la vente et à d’autres activités impliquant du cannabis à usage adulte. De l’avis du procureur général, tel qu’exprimé lors des plaidoiries du sous-solliciteur général en chef Jeffrey DeSousa, cela constitue une « promesse » que l’amendement à lui seul ne peut pas tenir, puisque des mesures législatives supplémentaires seraient nécessaires pour que « d’autres entités agréées par l’État » existent. En d’autres termes, s’il était adopté, l’amendement donnerait naissance à une nouvelle situation juridique dans laquelle les MMTC pourraient immédiatement vendre du cannabis destiné aux adultes, mais toute entité non-MMTC devrait toujours se soumettre à un processus d’autorisation. Comme l’adoption de l’amendement en soi n’entraînerait pas la création d’« autres entités agréées par l’État », le raisonnement du procureur général explique que le résumé du scrutin est trompeur.
Les juges qui sont intervenus n’ont pas semblé réceptifs à la position du procureur général. Le juge en chef Muñiz a souligné que la loi de Floride exige que le résumé du scrutin soit « une déclaration explicative… de l’objectif principal de la mesure ». Il était sceptique quant à savoir si des électeurs qui par ailleurs soutiennent la légalisation du cannabis pour l’usage adulte pourraient voter contre la mesure simplement parce que le corps législatif pourrait éventuellement ne pas prévoir d’autorisation pour les entités non-MMTC. En réponse, l’État a suggéré que les électeurs « opposés aux monopoles » pourraient adopter une position de principe contre un régime uniquement MMTC, même s’ils soutiennent par ailleurs la légalisation. Qu’il s’agisse d’une proposition crédible ou non, elle est certainement riche, compte tenu des barrières élevées à l’entrée que la Floride a établies pour l’industrie du cannabis médical.
La discussion s’est ensuite portée sur la question de savoir si le résumé était trompeur car il indique qu’il « permettrait[] adultes… de posséder, d’acheter ou d’utiliser de la marijuana… pour une consommation personnelle non médicale », même si, comme le soutient le mémoire du procureur général du 2 août, étant donné le maintien de l’interdiction fédérale, « aucun cas d’usage récréatif de marijuana ne sera légal ». Bien que le résumé précise également que l’amendement « s’applique à la loi de Floride ; ne modifie pas, ni n’immunise les violations de la loi fédérale », l’État considère que ce langage est insuffisant pour éliminer « la confusion causée par [the term] “permettre[].»
Les réactions des juges à cet argument ont été mitigées. Le juge Canada s’est dit « déconcerté » par la suggestion selon laquelle un électeur pourrait en quelque sorte conclure que la conduite autorisée par l’amendement proposé serait légale en vertu de la loi fédérale. D’autre part, le juge Sasso a contesté l’affirmation du promoteur de l’initiative (Smart & Safe Florida), représenté devant le tribunal par John Bash, selon laquelle le résumé limitait « explicitement » l’impact de l’amendement sur la loi de Floride. Dans l’un des moments forts des débats, Bash a répondu que « nous attendons des électeurs qu’ils soient capables de lire les choses dans leur contexte ».
Des discussions ont également eu lieu sur la question de savoir si l’initiative pourrait violer l’exigence de la Floride relative à un seul sujet pour les initiatives d’amendement constitutionnel. S’alignant avec le procureur général contre l’inscription de l’initiative sur le bulletin de vote, la Chambre de commerce de Floride (« Chambre »), représentée par Samuel Salario, a fait valoir que, si elle était approuvée, l’initiative entraînerait le « résultat caché » de la création un « oligopole immédiat » pour les MMTC, sans aucun calendrier en place pour l’octroi de licences aux entités non-MMTC. Le juge Canada a semblé particulièrement peu réceptif à cet argument, suggérant que la « position fondamentale de la Chambre ici est que ce n’est tout simplement pas un sujet approprié pour le processus d’initiative… c’est une question de politique ». [and that] il n’y a vraiment aucun moyen pour les citoyens d’agir efficacement dans ce domaine via le processus d’initiative. Dans un autre moment fort, il a ajouté que l’exigence d’un seul sujet « se transforme en… une camisole de force pour le peuple ».
Après avoir entendu les arguments d’aujourd’hui et, plus généralement, suivi l’évolution de cette affaire, il est difficile de ne pas conclure que le procureur général veut simplement maintenir la consommation de cannabis par les adultes illégale en Floride, jetant n’importe quoi par hasard pour voir ce qui colle. En ce sens, il était encourageant de voir au moins certains juges repousser certains des arguments les plus tortueux avancés par le procureur général et ses alliés. Il semble y avoir le sentiment que, du moins pour certains juges, les discussions sans fin sur les initiatives liées au cannabis sont allées trop loin. Et c’est effectivement le cas : il est temps que les habitants de Floride aient leur mot à dire en matière de légalisation de l’usage par les adultes.